Une demeure perdue quelque part entre rêve et réalité, dans les sables du désert égyptien ou sur les flots de la Méditerranée. Tournée vers l'horizon, les horizons divers... Les horizons de l'Est et de l'Ouest, comme disaient les anciens Egyptiens... Une demeure un peu folle, pour abriter des rêves un peu fous, des passions, des émotions, des coups de coeur...
Boulaq... Un nom qui ne nous dit plus grand chose aujourd'hui, mais qui fut autrefois le poumon commercial de l'Egypte et plus tard le passage obligatoire de tous les voyageurs arrivant d'Alexandrie. La carte postale que j'ai choisie montre le port de Boulaq en 1907, avec les felouques amarrées aux quais. Une carte colorisée comme on les aimait à l'époque et qui nous semblent si charmantes. Dans celle-ci, les couleurs, habituellement assez criardes, sont traitées de façon plutôt subtile.
Le port fut fondé à l'époque mamlûk, au nord de Misr el-Qadima (la vieille ville issue de la forteresse antique) et à l'ouest de la ville médiévale, face à l'île de Gezira (appelée aussi d'ailleurs "Gezirat Bolaq", île de Boulaq). A l'origine, Boulaq était devenue grâce au port une bourgade de la banlieue cairote, qui ne tarda pas à être absorbée par la capitale égyptienne ; aujourd'hui, Boulaq est un des quartiers du Caire. C'est à Boulaq qu'étaient débarquées et embarquées les précieuses marchandises qui affluaient vers l'Egypte à une époque où elle contrôlait encore une partie du commerce entre Orient et Occident ; des produits du monde entier s'y échangeaient. Le port connut son apogée au XVIe s. , puis déclina après la découverte du passage par le contournement de l'Afrique par les Portugais, pour perdre totalement son importance aux XVIIIe et XIXe s.
Au XIXe s. et au début du XXe s. , la plupart des voyageurs venus visiter l'Egypte arrivaient au Caire par voie fluviale depuis Alexandrie, le port de mer qui était pour eux la porte du pays. Pratiquement tous les récits de voyageurs nous parlent du port de Boulaq.
Je ne résiste pas à l'envie de vous proposer un exemple d'un tel récit :
"Les ports de Boulaq et du Vieux Kaire offrent d'autres distractions. C'est sur leurs rives que se débarquent les produits du Delta et de l'Europe, de la Nubie et du Saïd. Dans les vastes okels ou magasins destinés à les recevoir, règne une activité prodigieuse. (...) Les bords du fleuve sont encombrés de chaloupes et de djermes* richement chargées, pendant que d'autres embarcations, livrant leurs voiles triangulaires à la brise, refoulent le courant, et se croisent dans toutes les directions." (in Louis Reybaud, Histoire scientifique et militaire de l'Expédition française en Egypte, tome III pp. 249-250 , éd. Gagnard-Dénain, Paris, 1830). * au XIXe s., barque égyptienne à deux mâts.
Enfin, c'est, et nous en reparlerons plus longuement dans un prochain article, à Boulaq que Mariette Pacha créa le premier embryon du futur musée archéologique égyptien du Caire, avant que ne soit construit le bâtiment actuel.
La carte, comme le montre le tampon, a été postée de Boulaq le 13 novembre 1907... il y a 100 ans, c'est émouvant, non ?
Voici un lien qui vous permettra d'avoir des vues anciennes de Boulaq, ainsi que des plans anciens, sur le site Egypte d'antan.
Encore une carte postale qui nous amène à découvrir des fragments de l'histoire de l'Egypte...