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10 janvier 2008 4 10 /01 /janvier /2008 06:03

Les récits de voyages en Egypte abondent depuis le Moyen Age. Ceux du XIXe s. sont sans doute les plus troublants, car on y retrouve bien des choses et des impressions que l'on a aujourd'hui encore, l'aventure en moins. Je viens de trouver une petite merveille dont j'aimerais partager avec vous quelques passages. Il s'agit du récit d'un voyage qu'ont fait en Egypte, sous Napoléon III, deux Français nommés Henry Cammas et André Lefèvre1. Ils ont passé 9 mois à parcourir le pays, en grande partie sur le Nil à bord d'une dahabieh 2. Le récit en lui-même est un régal, comme toujours dans ces livres anciens ; l'originalité en est sans doute une plus grande passion pour le pays lui-même, une approche plus saine de la population que dans d'autres récits de voyage, même si on y retrouve l'esprit occidental du XIXe s. avec l'idée que l'Occident amène le "progrès" et si le goût de l'orientalisme déforme quelque peu les choses. Mais dès sa préface, Henry Cammas n'écrit-il pas : " l'amour de ce pays, qui sera pour nous une seconde patrie ", ou encore : " point d'histoires forgées à plaisir, mais l'Egypte elle-même " .

Mais le plus passionnant se trouve à la fin de l'ouvrage. En appendice, l'auteur du texte, Henry Cammas, donne une série de conseils pratiques sur les voyages en Egypte. Ils nous introduisent dans l'aventure qu'était alors un tel voyage, nous font toucher du doigt ce qu'était le voyage en Egypte à cette époque. Ce sont eux que nous parcourerons ici.

Cammas évoque d'abord les périodes les plus favorables pour un voyage en Egypte : " Tout voyage en Egypte doit se faire entre les dates extrêmes du 15 septembre et du 15 mars. Pendant les autres mois, la chaleur est intense et la navigation du Nil est pénible. " Cela reste en grande partie vrai aujourd'hui : la période comprise entre septembre et mars est la meilleure, surtout du point de vue du climat ; en ce qui concerne la navigation sur le Nil, la présence du barrage a bien entendu changé les choses. Pour les voyages en dahabieh, les passagers embarquaient en octobre au départ d'Alexandrie, ou en novembre au départ du Caire. Cammas recommande le mois de novembre pour gagner la Haute-Egypte.

Laissons de côté la question des passeports (un régal à lire) et du transport maritime (où l'auteur donne même les tarifs ! ), et disons seulement que le départ pour Alexandrie se fait en général de Marseille. Les bateaux des Messageries Impériales mettent alors une semaine pour effectuer le trajet Marseille-Alexandrie. Alexandrie est pour longtemps la porte de l'Egypte pour la plupart des voyageurs. Nous laisserons aussi de côté l'évocation des hôtels d'Alexandrie et des drogmans 3, qui feront l'objet d'articles spécifiques. Notons seulement avec Cammas que " Pour tout étranger qui veut visiter l'Egypte, le choix d'un drogman est une nécessité absolue. "

Intéressons-nous plutôt à la location de la " barque" , comme l'appelle Cammas. " Le voyage de la haute Egypte ne doit effrayer personne, dès que la bourse est bien garnie. Les femmes et les délicats peuvent conserver toutes leurs aises par delà le tropique. Ils trouvent dans les barques des logements divisés en chambres claires, saines, bien meublées. " Il affirme que les plus belles barques se trouvent à Alexandrie, sur le canal de la Mahmoudieh ; mais qu'on en trouve également au Caire, à Choubrah et au Vieux-Caire. L'équipage se compose d'un " réis " 4, capitaine et agent du propriétaire, et de plusieurs matelots. La location est moins chère au Caire qu'à Alexandrie ; une petite dahabieh avec un salon et deux chambres coûte 25 napoléons (ou 500 fr de l'époque) pour un mois, une dahabieh pour une famille entre 40 et 60 napoléons (entre 800 et 1200 fr de l'époque), les plus grandes 100 napoléons (2000 fr ) par mois. On peut soit louer la dahabieh au mois - ce que recommande Cammas - avec un parcours et des arrêts selon la volonté du voyageur , soit à forfait en convenant d'un prix aller-retour avec des haltes spécifiées à l'avance.

Nous verrons dans le prochain article le contrat de barque, les cuisiniers, les provisions et les étapes...



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Notes


1 - Henry Cammas et André Lefèvre, La Vallée du Nil - Impressions et photographies, éd. Hachette, Paris, 1862. Cet ouvrage peut être librement consulté et même téléchargé sur le site de la BNF,
Gallica .

2 - Dahabieh : barque de voyage pourvue de cabines, qui servait autrefois pour les voyages sur le Nil. Voir à ce sujet un
site recommandé par mon amie Anne-Marie .

3 - Drogman : guides et interprètes européens installés en Egypte, souvent des aventuriers hauts en couleurs, parfois même des agents de renseignement à la solde des nations occidentales.

4 - En arabe ra'îs, voir au sujet de ceux d'aujourd'hui l'
article que leur a consacré Anne-Marie.


PS : j'ajouterai ultérieurement des illustrations à partir de cartes postales anciennes que je suis en train de scanner pour vous.

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  • : Horizons d'Aton - Beyt Kaaper
  • : Une demeure perdue quelque part entre rêve et réalité, dans les sables du désert égyptien ou sur les flots de la Méditerranée. Tournée vers l'horizon, les horizons divers... Les horizons de l'Est et de l'Ouest, comme disaient les anciens Egyptiens... Une demeure un peu folle, pour abriter des rêves un peu fous, des passions, des émotions, des coups de coeur...
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