Sur le Net comme dans l'opinion du monde arabe, les chanteuses suscitent des débats passionnés. Certains voient en elles une part de rêve et une aspiration à la liberté ; d'autres les condamnent en les considérant comme des débauchées et des provocatrices. Enfin, on parle beaucoup à leur sujet des interventions de chirurgie esthétiques qui, comme en Occident, finissent il est vrai par donner parfois une image stéréotypée de la femme.
Chez Carole Samaha, la provocation reste gentillette...
Il est vrai que lorsque l'on arrive pour la première fois au Mashreq et qu'on allume la télévision, on est très surpris en regardant les émissions de variétés ou les clips diffusés. On y est à mille lieues de l'image habituelle de la femme orientale telle qu'elle est véhiculée, et à vrai dire telle qu'on la voit dans la rue. Les tenues d'un certain nombre de ces demoiselles sont parfois même beaucoup plus " sexy " et osées que celles de leurs homologues occidentales - et pourtant Mariah Carrey et autres Kylie Minogue ne sont pas avares de leurs charmes ! Sans compter les poses lascives et les doubles sens à peine dissimulés...
... comme chez sa compatriote Nancy Ajram.
Certaines jouent volontairement de la provocation, pas toujours avec subtilité, allant même jusqu'à l'outrance, et quelquefois cela devient pour ainsi dire leur fonds de commerce : mondialisation oblige, les productions jouent partout les mêmes cartes. Sauf qu'au Mashreq, la dimension religieuse garde une résonnance qu'elle n'a plus en Occident. Certains musulmans s'émeuvent de la vision de ces corps féminins dénudés d'une façon qui entre en conflit avec les traditions. On crie au scandale, mais le scandale fait vendre, tout comme ici ; d'où une certaine surenchère de part et d'autre. Dans le monde musulman, chanteuses et danseuses ont toujours eu une place à part, comme nous en reparlerons bientôt, et la sensualité est chez elles de longue date tolérée, même si elle a été longtemps très codifiée ; leur réputation sulfureuse ne date pas d'hier, tout comme c'était encore le cas en Occident il n'y a pas si longtemps. Gageons quand même que la plupart des messieurs, dans le secret de leur salon, apprécient occasionnellement le spectacle d'autant plus croustillant qu'il ne fait pas partie de leur quotidien, contrairement à l'habitude que nous avons en Europe de voir des portions dénudées de corps féminins...
Avec Marya, la provovation est explicite, mais joue sur le double sens et l'humour.
Pour les jeunes, c'est aussi l'expression d'un désir de liberté, et sans doute aussi le goût de l'interdit qui ici brave les tabous de la société dans un espace que la morale traditionnelle a du mal à maîtriser. Une occidentalisation sans doute mal maîtrisée elle aussi, avec d'un côté une fascination pour le modèle occidental et de l'autre la vision d'un Occident décadent et débauché. On voit bien ce phénomène hors du Mashresq, en Turquie, où la jeunesse dorée occidentalisée tient tête aux tenants du retour à une morale plus stricte.
En Egypte, il y a loin de la provocation gentillette et amusante de Rozy...
Pour les femmes orientales, il n'est pas certain que l'image véhiculée par certaines artistes soit de nature à leur rendre service. Certaines chanteuses manient la provocation avec subtilité et non sans humour, comme un pied de nez aux rigoristes de tout poil, et celles-là forment en quelque sorte l'avant-garde des femmes orientales modernes, qui veulent allier modernité et tradition. Mais il faut avouer que d'autres poussent loin la surenchère, au risque d'entraîner l'effet inverse. Longtemps, la palme de la provocation a été détenue par des chanteuses libanaises, sans doute parce que la société libanaise est plus libérale que d'autres dans cette région du monde. Mais depuis quelques années, les Egyptiennes aussi s'y sont mises, comme la fameuse Ruby qui a suscité tant d'émoi.
... à la provocation plus poussée dont joue Ruby !
Entre les monaqabat, ces femmes voilées à la saoudienne dans la tradition wahhabite, et les icônes sensuelles qui défilent sur les écrans de télévision, il y a un gouffre révélateur des contrastes saisissants d'une société qui cherche sa voie entre modernité et tradition. Sans pour le moment parvenir à un réel équilibre.
Et quel contraste avec ces monaqabat, femmes entièrement voilées de noir dans la tradition wahhabite saoudienne, de plus en plus nombreuses au Mashreq, en particulier en Egypte !
Place à la musique, je vous laisse juger par vous-mêmes avec l'un des clips provocateurs par lesquels le scandale est arrivé sur les rives du Nil : " Koll ma a'olo lâ " (2004) de Ruby - à remettre dans son contexte, bien entendu.