L'empereur Dioclétien, auguste d'Orient.
Au début du IVe s. après JC, l'empereur Dioclétien (empereur 284-305), auguste d'Orient, installe une garnison romaine à Louqsor pour assurer la sécurité de la Haute-Egypte. Celle-ci établit une forteresse 1 qui englobe et réutilise l'ancien temple. Dans l'une des salles hypostyles du sanctuaire datant du règne d'Amenhotep III, les Romains aménagent alors une chapelle du culte impérial dont les vestiges ont récemment fait l'objet d'une restauration. L'une des étapes de l'histoire du temple est ainsi sauvegardée, et le visiteur peut désormais appréhender le site dans la totalité de son évolution, de l'époque "pharaonique" jusqu'à la période musulmane 2.
Localisation de la chapelle romaine dans l'ensemble du temple de Louqsor : 1- Entrée principale actuelle ; 2- Vestiges de l'enceinte romaine ; 3- Pylône de Ramsès II ; 4- Mosquée Abu l-Haggag ; 5- Cour d'Amenhotep III ; 6- Première salle hypostyle du sanctuaire. Dans la vue de détail : a- Abside romaine ; b- Zone des fresques romaines les mieux conservées.
L'abside de la chapelle romaine, flanquée de ses colonnes de granit.
Les chapiteaux composites sont de style romain d'Egypte, qui mêlent la tradition romaine à celle de l'époque ptolémaïque : les acanthes romaines font place à des feuilles tout en rondeur.
La chapelle romaine s'installe dans la seconde salle hypostyle du sanctuaire, qui servait de vestibule au reposoir de la barque. La porte menant à l'origine à la salle réservée à celui-ci est alors fermée et remplacée par une grande abside en cul-de-four flanquée de deux colonnes de granit au fût monolithe et chapiteaux composites. Les murs ornés de reliefs de la XVIIIe Dynastie sont recouverts d'enduits et ornés de fresques représentant les souverains, leur cour et des scènes de victoire militaire. En effet, nous sommes alors à l'époque de ce qu'on appelle la tétrarchie : pour mieux assurer le contrôle et la sécurité de l'empire, Dioclétien partage le pouvoir entre deux augustes assistés de deux césars. Lui-même reçoit l'Orient, assisté son césar Galère, tandis que l'auguste Maximien Hercule, assisté du césar Constance Chlore, reçoit l'Occident. C'est ainsi que la fresque qui ornait autrefois la niche représentait les quatre souverains de l'empire. Dans la chapelle étaient conservés les "emblema ", ou étendards de la légion, d'où le nom de " chapelle des enseignes " qu'on lui donne souvent.
La portion la mieux conservée des fresques romaines, dont la restauration révèle la qualité et les couleurs éclatantes.Selon la tradition de la peinture murale romaine, le décor était réparti en tableaux disposés sur plusieurs registres, au-dessus d'une base d'architecture en trompe-l'oeil.
Une restitution du décor principal sur le panneau explicatif.
Sir John Gardner Wilkinson en costume oriental ; il est considéré comme l'une des grandes figures fondatrices de l'égyptologie britannique et ses relevés des fresques de Louqsor sont précieux pour les restaurateurs d'aujourd'hui.
Les autorités égyptiennes et l'American Research Center in Egypt (ARCE) ont décidé de réaliser une opération de sauvetage sur les vestiges des fresques de cette chapelle romaine, qui avaient beaucoup souffert. On disposait de documentation grâce aux relevés effectués dans les années 1850 par le Britannique Sir John Gardner Wilkinson, qui en avait peint une série d'aquarelles alors qu'elles étaient en meilleur état. Ces restaurations ont été menées par des spécialistes italiens dans le cadre d'un projet dirigé par l'ARCE et l'Oriental Institute de l'Université de Chicago, avec un financement de l'USAgency for International Development.
L'équipe de restauration au travail, en 2006. Ce sont des spécialistes italiens des enduits peints, venus de Rome, qui ont assuré le sauvetage des fresques.
L'un des aspects particulièrement intéressants est que, durant les travaux, un panneau explicatif a été mis en place pour permettre aux visiteurs de comprendre le chantier.
Lors de mon dernier passage à Louqsor, en 2006, les travaux étaient toujours en cours. Ils sont à présent achevés, comme vous pourrez le voir dans les liens indiqués ci-dessous. La démarche est particulièrement intéressante, car elle permet d'embrasser l'histoire du site dans sa totalité, sans avoir à faire le choix de détruire les vestiges d'une époque au profit d'une autre.
Un bandeau orné de motifs géométriques rappelant les placages de marbres polychromes (intarsia).
Une portion bien conservée, avec à droite les personnages d'une grande qualité d'exécution qui assistent à une allocution de Dioclétien.
L'abside romaine en cul-de-four...
... dans laquelle on ne devine plus que quelques plis des vêtements des personnages qui l'ornaient au IVe s.
Notes :
1- D'où le nom arabe de la ville, el-Uqsûr, pluriel de "qasr" signifiant "château-fort, palais fortifié ".
2- Avec la petite mosquée Abu l-Haggag, qui a été elle aussi préservée.
Liens :
- Vous trouverez des photos de l'état des fresques après restauration dans un article d'Anne-Marie, ainsi que dans un excellent article du blog Passion égyptienne.
-site de l'ARCE
- Site de l'Oriental Institute de l'Université de Chicago.