Nous avons vu dans un article précédent les salutations et formes de politesse de base en masri1, l'arabe dialectal égyptien le plus répandu. A présent, nous allons commencer à échanger quelques expressions simples avec des interlocuteurs égyptiens en disant notre nom et en demandant celui de l'interlocuteur, puis en demandant comment ça va.
Dire son nom :
Le nom, c'est el-esm en masri (al-ism en arabe classique).
esmî, littéralement "mon nom (est) ", permet de dire "je m'appelle ".
ex. esmî Kaaper = je m'appelle Kaaper
Pour demander à quelqu'un comment il s'appelle, on dira :
esmak êh ? (à un homme) ou esmek / esmik2 êh ? (à une femme)
Petites explications pour la curiosité :
l'arabe, littéral ou dialectal, dispose, à côté des pronoms personnels sujet, de pronoms personnels fonctionnant comme des suffixes et servent aussi de possessifs ; ainsi :
ana > - î = moi, je ; mon
enta > - ak = toi, tu ; ton (masculin)
enti > - ik / - ek = toi, tu ; ton (féminin)
howa > - u / - hu / - h3 = lui, il ; son (masculin)
heyya > - hâ = elle ; son (féminin)
eHna > - nâ = nous ; notre
entu > - ku / - kum4 = vous ; votre (plusieurs personnes)
homma > - hum = eux, ils, elles ; leur
ex. ibn = fils -> ibnî = mon fils
C'est très pratique, il faut bien l'avouer ! Vous remarquerez qu'il y a 8 personnes en arabe : la 2e personne du singulier masculin et féminin, mais une seule forme pour la 3e personne du pluriel.
Enfin êh ? est l'interrogatif égyptien par excellence, permettant de poser une question beaucoup plus facilement qu'en arabe littéral ; on peut le traduire par " que ? " / " quoi ? ". Il se place après l'élément sur lequel porte la question.
ex. 3âyez êh ? = que veux-tu ?
Là aussi, très pratique, mesh kedâ / n'est-ce pas ?
Comment ça va ?
Après avoir salué, on demande en général comment ça va. Là encore, c'est assez simple et très facile à retenir. Une attention qu'apprécieront les Egyptiens que vous rencontrerez à plusieurs reprises.
La formule la plus soutenue est :
keyf el-Hal ?
dont une variante est : keyf Halak ? (à un homme) / Halek ? (à une femme)
Mais il y a une forme plus typiquement égyptienne :
ezzây ?5 est un interrogatif typiquement dialectal, qu'on retrouve aussi en libanais ; il signifie " comment ? " et est l'équivalent du littéral keyf.
Comme pour le nom, il suffit d'y ajouter un pronom personnel suffixe pour poser la question de savoir comment va la personne :
ezzâyak ? = comment vas-tu ? (à un homme)
ezzâyek ? = comment vas-tu ? (à une femme)
On peut aussi dire :
ezzây el-Hal ? = comment ça va ? ( littéralement, " comment est la situation ? " )
On répond, puisque tout ne peut qu'aller bien quand on est en Egypte :
(ana)6 kwayyes (homme) / kwayyesa (femme) = (je vais ) bien
be-khêr = bien
En général, on ajoute à sa réponse : el-Hamdu li-llah (grâce à Dieu) ; si vous n'osez pas le dire parce que vous n'êtes pas musulman, les Egyptiens l'ajouteront souvent à votre réponse.
Il y a ainsi en masri toute une série d'expressions codifiées, qui sont en quelque sorte une façon d'éviter d'attirer ce qui pourrait être négatif, mauvais ; n'oublions pas le pouvoir que les civilisations de cette région du monde ont de tout temps accordé à la parole, comme chez les anciens Egyptiens. On trouvait d'ailleurs en Europe il n'y a pas si longtemps des traditions similaires, qui venaient de l'Antiquité gréco-romaine : dire le nom d'une chose, c'est l'attirer, littéralement l'invoquer. Mais ces questions linguistique révélatrices de la façon de penser sont si passionnantes que je me laisse emporter par mon élan ! Revenons à notre premier propos...
L'expression que vous entendrez très souvent est inshâ'a l-llah, qu'on traduit par " si Dieu le veut ". Elle ponctue en particulier les phrases dans lesquelles on émet un souhait, quand on parle d'un projet, de quelque chose qu'on envisage de faire ou d'un endroit où on souhaiterait aller, etc. En général, l'interlocuteur répond à son tour " inshâ'a l-llah ".
Un exemple : hashûfak bokra, inshâ' l-llah = je te vois demain, si Dieu le veut.
Notes :
1- Le masri est en effet à l'origine le dialecte du Caire, qui a évolué vers une forme qui est comprise dans pratiquement toute l'Egypte, devenant une sorte d'arabe égyptien commun. Mais il existe de nombreux autres dialectes, comme le sa'idi de Haute-Egypte, ou le bedawi des Bédouins d'Egypte. Rassurez-vous, si vous parlez en masri, vous serez compris !
2- Pour le pronom féminin, la forme égyptienne la plus courante est -ek, même si en principe on devrait trouver le -ik avec le fameux -i bref prononcé entre -i et -é.
3- La forme classique est -hu, mais en égyptien on utilise plutôt -u, ou -h après voyelle.
4- Là aussi, la forme classique est -kum, mais dans la langue parlée égyptienne on utilise plutôt simplement -ku.
5- Pensez à bien prononcer les deux -z , le mot a deux syllabes : ez- / -zây.
6- Ana, pronom personnel sujet, est en règle générale sous-entendu, tout comme le verbe être.
Pour les règles de transcription et la prononciation, se reporter à la page qui y est consacrée.