Une demeure perdue quelque part entre rêve et réalité, dans les sables du désert égyptien ou sur les flots de la Méditerranée. Tournée vers l'horizon, les horizons divers... Les horizons de l'Est et de l'Ouest, comme disaient les anciens Egyptiens... Une demeure un peu folle, pour abriter des rêves un peu fous, des passions, des émotions, des coups de coeur...
Au premier plan, une maison noble du XVIIe s. avec une génoise à trois rangs ; à l'arrière, une maison roturière de la même époque avec ses deux rangs de génoise ( vieille ville de Belgentier, Var ).
La génoise est un élément caractéristique des maisons provençales : il s'agit d'un ou plusieurs rangs de tuiles canal maçonnées faisant déborder le toit par rapport aux murs de façade. Sa fonction est avant tout pratique, permettant d'éloigner des murs les eaux de pluie. Mais avant la Révolution, elle avait également une fonction sociale : les roturiers n'étaient autorisés à avoir au maximum que deux rangs de génoise au sommet de leur façade ; au-delà de deux rangs, c'était un privilège nobiliaire. Les maisons nobles comportent en général en contexte urbain trois rangs de génoise, mais on les voit parfois se multiplier pour souligner l'importance du propriétaire, comme certains hôtels particuliers ou certaines bastides présentant jusqu'à cinq rangs de génoise ! Après la Révolution, cette fonction sociale disparaît et les maisons n'ont plus que deux rangs de génoise au maximum ; certaines maisons étant alors rehaussées ou restaurées, la génoise noble d'origine a pu disparaître.
Exemple de toit à chevrons apparents sur une maison de la fin XVIe s. - début XVIIe s. ( Riez, Alpes de Haute Provence ) ; après l'apparition de la génoise, ce type ne perdurera que dans les maisons les plus modestes.
La génoise s'impose en Provence au XVIIe s. , sans doute venue d'Italie comme semblerait l'indiquer son nom. Auparavant, l'avancée du toit était couverte sur sa face inférieure par des éléments de bois et chevrons apparents, ce qui perdurera d'ailleurs dans les demeures modestes. La génoise n'éclipsera pas non plus totalement les corniches moulurées et ornées dans les demeures nobles et bourgeoises.
Une petite maison noble du XVIIe s. , identifiable à ses trois rangs de génoise ; elle est la seule dans la vieille ville d'Ollioules à avoir conservé sa génoise noble. On n'est pas surpris, à l'intérieur, de trouver un superbe escalier Louis XIII à décor de gypseries...
Toujours dans la vieille ville d'Ollioules, une maison roturière du XVIIIe s. , avec sa génoise tournante.
Les deux types de traitement des angles face à face : à gauche, un traitement anguleux du XIXe s. ; à droite, l'élégante génoise tournante du XVIIe s. ( Ollioules, Var ).
La maîtrise des couvreurs se révèlent dans le traitement des angles. Du XVIIe s. jusqu'au début du XIXe s. , les angles sont adoucis par ce qu'on appelle une génoise tournante, qui forme un élégant arrondi obligeant à une savante disposition des tuiles de la toiture. Par la suite, une simplification amènera un modèle plus anguleux.
Au XIXe s. continuent de voisiner génoises et corniches ornées ( Quartier du Pont-du-Las, Toulon ).
Vous l'aurez compris : pour savoir à qui vous avez affaire lorsque vous observez la façade d'une vieille maison provençale, il faut commencer entre autres par lever la tête et compter les rangs de génoise ! Ensuite, d'autres indications sont également données par les dimensions et l'ornementation du portail ; pour le reste, comme toutes les maisons méditerranéennes, c'est le plus souvent à l'intérieur que la demeure provençale cache ses véritables trésors...
Notes :
1- en provençal « genouveso ».
2- grâce également à la pente faible des toitures.
3- Des détails sont visibles en complément dans l'album, afin de ne pas alourdir l'article.
Voir un article sur la publication de Jean BOYER, L'origine de la génoise dans l'architecture provençale du XVIIe s.