Une demeure perdue quelque part entre rêve et réalité, dans les sables du désert égyptien ou sur les flots de la Méditerranée. Tournée vers l'horizon, les horizons divers... Les horizons de l'Est et de l'Ouest, comme disaient les anciens Egyptiens... Une demeure un peu folle, pour abriter des rêves un peu fous, des passions, des émotions, des coups de coeur...
Pas de grandes découvertes annoncées ce mois-ci, mais néanmoins des informations intéressantes. La pierre sculptée trouvée près du lac de Tibériade confirme l'ancienneté des relations entre l'Egypte et la vallée du Jourdain ; on regrette de ne pas en voir de photographies. Al-Ahram Weekly nous offre deux intéressants articles sur le patrimoine archéologique égyptien. Le premier traite de l'achèvement de l'une des phases de valorisation des monuments thébains ; si on ne peut que se réjouir de la restauration de la maison d'Howard Carter et de la mosquée Abu l-Haggag, on ne peut s'empêcher d'émettre les mêmes réserves que celles au sujet des travaux menés aux abords du temple de Louqsor et craindre une orientation vers ce qu'il n'y a pas de meilleur dans le tourisme de masse - tout en gardant à l'esprit ce que représente le tourisme pour l'économie égyptienne, bien entendu. Le second, enfin, évoque une exposition au Musée Egyptien du Caire qui met en lumière le travail en Egypte des équipes japonaises de l'Université de Waseda ; bien sûr, on ne peut s'empêcher de penser que c'est aussi une façon de remercier le Japon pour l'aide financière apportée au projet du Grand Musée Egyptien de Gizeh... mais il faut avouer que bien souvent on ignore que des égyptologues venus du monde entier participent à la connaissance du patrimoine extraordinaire de ce pays.
Egypte paléochrétienne - Un nouveau fragment de la plus ancienne Bible connue découvert en Egypte : Un nouveau fragment de la plus ancienne Bible conservée a été retrouvé dans la bibliothèque du monastère égyptien de Ste-Catherine du Sinaï, à l'intérieur d'une reliure du XVIIIe s. Le Codex Sinaiticus, manuscrit sur parchemin rédigé en grec datant des environs de 350 AD, est considéré comme la plus ancienne version connue de la Bible1 ; ses folio ont été dispersés, conservés en majeure partie dans le monastère Ste-Catherine et la British Library2. Des universitaires de diverses nationalités avaient entrepris de numériser l'ensemble du Codex, projet auquel participa Nikolas Sarris, un étudiant grec préparant son doctorat en Grande-Bretagne. C'est en examinant des photographies de manuscrits de la bibliothèque du monastère Ste-Catherine que ce dernier a repéré le fragment jusque là inconnu du Codex à l'intérieur d'une reliure réalisée par deux moines au XVIIIe s.3 Après vérification sur place par le bibliothécaire du monastère, il est apparu qu'il s'agissait bien d'un fragment du Codex ; seul un quart du fragment est actuellement visible et il faudra appliquer des techniques délicates pour l'extraire sans l'endommager, la reliure sera donc dans un premier temps scannée. D'après les premières observations, il semblerait que l'on soit en présence du début du Livre de Josué (1,10). Cette découverte en laisse espérer d'autres, puisque la bibliothèque du monastère renferme au moins 18 autres autres reliures réalisées par les mêmes moines du XVIIIe s. Le Codex Sinaiticus, comme le rappelle l'article, est intéressant à plus d'un titre, en particulier pour la connaissance de l'élaboration de la Bible4. Même dans le domaine du patrimoine chrétien, l'Egypte n'a pas encore livré tous ses secrets... ( article de Jerome Taylor in The Independant – World, 2 septembre 2009, angl. )
Notes :
1- Le Codex Sinaiticus est l'exemplaire le plus complet, avec pratiquement l'intégralité du Nouveau Testament et environ la moitié de l'Ancien Testament.
2- Découvert au XIXe s. par un chercheur allemand au monastère Ste-Catherine, le Codex Sinaiticus a été ensuite dispersé entre la Russie, la British Library, l'Université de Leipzig et le monastère égyptien. C'est la British Library qui en possède la plus grande partie, depuis que l'URSS lui a revendu sa collection en 1933.
3- C'était autrefois une pratique courante que de réutiliser des parchemins anciens pour réaliser des reliures.
4- Il contient par exemple encore des éléments rejetés par la suite comme apocryphes, comme le Pasteur d'Hermas ( IIe s. AD ).
Un folio du Codex Sinaiticus, qui apparaît comme la version la plus ancienne actuellement conservée et dont des fragments jusqu'alors inconnus ont été découverts fortuitement.
Egypte antique - Une découverte confirmant les liens entre l'Egypte antique et la vallée du Jourdain dès l'Age du Bronze ancien : Les liens étroits entre l'Egypte et la vallée du Jourdain à l'Age du Bronze ancien, vers 3000 av. notre ère, sont confirmés par une nouvelle découverte. Des archéologues des Universités de Tel Aviv et de Londres ont mis au jour un rare fragment de pierre sculptée de signes hiéroglyphiques archaïques à l'endroit où le Jourdain quitte le lac de Tibériade1, à l'occasion de la seconde campagne de fouilles sur le site de Khirbet el-Kerak2. Celui-ci, qui était alors un des plus importants de la vallée du Jourdain, se situait sur une ancienne route reliant l'Egypte au reste du Mashreq. Des découvertes antérieures3 avaient déjà suggéré des relations entre le site de Khirbet el-Kerak et l'Egypte. Le fragment découvert au cours de cette campagne est sculpté d'un bras et d'une main tenant un sceptre et une forme primitive de la croix ankh ; c'est le premier vestige de ce type trouvé hors d'Egypte, et il pourrait être daté de la Ière Dynastie, vers 3000 av. notre ère. La qualité des sculptures serait à comparer avec celles des célèbres palettes royales. ( article de Judy Siegel-Itzkovich in Jerusalem Post, 1er septembre 2009, angl. )
Notes :
1- Kinneret en hébreu.
2- En hébreu Tel Bet Yerah.
3- Les premières fouilles sur le site ont été menées dès 1933.
Valorisation du patrimoine égyptien - Les projets de mise en valeur des monuments de Louqsor : Mon amie Anne-Marie nous en a plusieurs fois parlé dans son blog, Louqsor est en plein travaux de réaménagements. A l'occasion de la visite de Zahy Hawass, Secrétaire Général du Conseil Suprême des Antiquités, et de Samir Farag, Directeur du Conseil Suprême de la ville de Louqsor, pour l'achèvement d'une phase des travaux de développement des sites archéologiques des deux rives de l'ancienne Thèbes, El-Ahram Weekly revient sur ces travaux, dont le budget s'élève à 127 millions de LE1. Les projets comprennent :
- la restauration de la maison d'Howard Carter, en collaboration avec une équipe française ; le but est de pouvoir l'aménager en musée, où seront exposés des objets de Carter, des photographies de cette découverte et des objets qu'il avait découverts dans la Vallée. La maison devrait être inaugurée le 4 novembre prochain, jour anniversaire de la découverte de la tombe de Toutankhamon. Les travaux auront duré 4 mois, pour un coût de 1 121 000 LE.
Le système d'éclairage qui vient d'être inauguré à Deir el-Bahari et devrait être appliqué aux autres sites majeurs de la nécropole thébaine.
- la première phase d'un nouveau système d'éclairage de la Vallée des Rois qui a été réalisée au temple de Deir el-Bahari ; à terme, on envisage d'installer des éclairages sur tous les monuments majeurs de la nécropole thébaine de façon à rendre possible leur visite de nuit2.
- un nouveau centre pour les visiteurs à Deir el-Bahari qui vient d'être inauguré, présentant des photographies des fresques et des salles du temple et une maquette d'ensemble du site avec les monuments construits par Mentuhotep, Thoutmosis II et Hatshepsut ; le centre comprend également une cafétéria, une librairie et 52 boutiques. L'ensemble des travaux du site de Deir el-Bahari a duré 15 mois, pour un coût de 9 850 000 LE.
- la réouverture de la mosquée Abu l-Haggag3 dans le temple de Louqsor, datant du XIIIe s. , après sa restauration. Les murs et les fondations de la mosquée étaient en effet très endommagés, avec de nombreuses fissures et une infiltration d'eau dans les fondations. Il ne s'est pas agi de rétablir la mosquée dans son aspect d'origine, mais de la restaurer telle qu'elle nous est parvenue4. Le projet a aussi permis de mettre au jour des fragments architecturaux antiques ( colonnes, linteaux, reliefs ) et de réhabiliter des éléments antiques réemployés pour la construction de la mosquée ; les textes des colonnes ont apporté des informations sur l'histoire du site5.
( article de Nevine el-Aref in El-Ahram Weekly n°962, 27 août – 2 septembre 2009, angl. )
Notes :
1- Plus de 16 millions d'euros.
2- En priant très fort pour qu'on n'y ajoute pas les fameux "Son et Lumière" qui affectent d'autres sites...
3- Un article sera prochainement consacré à cette mosquée, très importante pour les habitants de Louqsor et dont le mouled se déroule chaque année début novembre.
4- La mosquée Abu l-Haggag a été reconstruite à plusieurs reprises et totalement remaniée au XIXe s.
5- Comme celui où Ramsès II offre les deux obélisques du temple au dieu Amon-Rê, ou un autre mentionnant trois statues de Ramsès II portant la couronne blanche.
Deux des objets exposés au Musée Egyptien dans le cadre de l'exposition temporaire consacrée aux 40 ans de travaux des équipes japonaises en Egypte. A gauche, le superbe masque funéraire de Senu ; à droite, le sistre en faïence au nom d'Amasis.
Exposition - 40 ans de fouilles japonaises en Egypte, au Musée Egyptien du Caire : Les fouilles menées depuis 40 ans par l'Université japonaise de Waseda sur les sites d'Abousir, Dahshour et Malkatta sont mises en lumière par une exposition couvrant une période allant du Paléolithique à l'époque romaine au Musée Egyptien du Caire ; l'occasion de découvrir des objets dont la plupart n'ont jamais été montrés au public et de souligner le travail de l'équipe japonaise1. Parmi les objets exposés des fragments d'un bracelet en faïence d'Amenhotep III, une stèle représentant Thoutmosis IV faisant une offrande à Horus, un sistre en faïence portant le nom du pharaon Amasis, la statue en terre cuite d'un lion couché portant le nom de Kheops, deux bagues en faïence au nom de Toutankhamon et de son épouse Ankhesenamon, une bague amarnienne en or avec un oeil oudjat en cornaline, ou encore le masque funéraire en cartonnage du commandant Senu ( Moyen Empire ). Zahy Hawass souligne à cette occasion le travail de l'égyptologue japonais Sakuji Yoshimura. L'article revient sur les principales découvertes japonaises :
- La nécropole d'Abousir : le monument du prince Khaemwaset, 4e fils de Ramses II, avec deux blocs fragmentaires en granit rouge représentant une fausse porte avec un personnage assis, de nombreux fragments de blocs de calcaire portant des reliefs, des briques frappées des cartouches d'Amenhotep II et Thoutmosis IV, plus de 10 stèles de Thoutmosis IV ; dans la falaise sud-est, une chambre funéraire taillée dans la roche qui a livré un riche matériel ( fragments de sculptures en terre cuite, dont certaines portant le nom de Kheops, ou en bois, poteries ) ; dans cette même falaise, un ensemble présentant un puits menant à deux chambres datant de la IIIe Dynastie, avec une réutilisation au Moyen Empire.
Le lion couché portant entre ses pattes le nom de Kheops trouvé dans la nécropole d'Abousir, dans sa vitrine de l'exposition.
- La nécropole de Dahshour : où l'équipe japonaise a identifié un nouveau site dans la partie nord grâce à l'analyse informatique des images satellite. Ainsi a été découverte au nord de la pyramide rouge une chapelle funéraire, qui aurait été construite pour le scribe royal Ipay. Les fouilles de chambres souterraines ont livré un riche matériel funéraire, dont les deux bagues en faïence au nom de Toutankhamon et Ankhesenamon , ou encore deux scarabées au nom de Ramses II. La découverte la plus spectaculaire a été cependant celle d'un sarcophage de granit dans la chambre la plus profonde, dont les inscriptions renvoient à un scribe royal de l'époque de Ramses II, Mes.
- Malkatta sud : en recherchant dans la zone de Malkatta sud des vestiges prédynastiques, l'équipe japonaise a mis au jour d'importantes structures romaines. Trois ans plus tard, l'équipe découvre à Kom es-Samak, au nord du temple d'Isis, un escalier peint de captifs étrangers. Les fouilles ont également révélé de nombreux fragments de peintures murales. Dans le palais d'Amenhotep III à Malkatta, le plus beau motif mis au jour se compose d'une succession de vautours de la déesse Nekhbet étendant ses ailes au-dessus des noms et titres du pharaon.
- Nécropole thébaine : Dans des tombes de Sheykh 'Abd el-Gurna, l'équipe japonaise a retrouvé des centaines de momies sans doute rassemblées par des pilleurs de tombes depuis les environs pour en dérober les objets funéraires. Durant des fouilles à Draa Abu l-Naga, ce sont des tombes jusqu'alors non enregistrées qui furent découvertes, ainsi que deux tombes déjà connues mais dont l'emplacement avait été oublié ( A21 et A23 ) ; ces fouilles ont en outre permis de retrouver des objets isolés, comme des cônes funéraires ou des oushebti. Enfin, l'équipe japonaise a mené les restaurations de la tombe d'Amenhotep III, où les travaux ont permis la découverte d'un dépôt de fondation intact devant la tombe, du matériel funéraire royal et des ostraca.
( article de Nevine el-Aref in El-Ahram Weekly n°958, 30 juillet - 5 août 2009, angl. )
Notes :
1- Cette exposition résulte d'une exposition réalisée au Japon en 2006 pour le 40e anniversaire des travaux de l'Université de Waseda.