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5 septembre 2014 5 05 /09 /septembre /2014 06:54

Quittant Kom Ombo, le bateau reprend sa route vers l'écluse d'Esna, passage délicat s'il en est, puisque s'y pressent des dizaines de bateaux de croisière et que seuls deux à la fois peuvent prendre place dans l'écluse. Autant dire que l'ordre d'arrivée est primordial. Nous avons eu une chance extraordinaire : nous étions en retard pour le passage de l'écluse, beaucoup de bateaux nous précédaient, et donc nous avons pu descendre à terre pour une visite qui n'était pas prévue au programme ; et sans le "troupeau", la plupart préférant rester à bord sur le pont du navire ! Pensez donc, manquer le passage de l'écluse, ou se fatiguer à aller voir un temple de plus !

 

 

 

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La fameuse écluse d'Esna...

 

 

Esna est sans doute plus authentique, car moins fréquentée que ses voisines. En général, les touristes attendent sagement sur leur bateau le passage de l'écluse. La première impression est celle d'une ville des rives du Nil, avec ses minarets et ses façades hétéroclites, avec ces fameuses maisons toujours inachevées. Nous nous empressons, mes parents, notre couple d'amis et moi, de descendre à terre dès que le feu vert nous est donné. Tandis que nous cheminons sur les quais en direction de la rue principale du soukh qui mène aux vestiges du temple, une série de petits incidents cocasses nous font bien rire. D'abord, ma mère qui, toute fière, arbore son guide touristique et nous entame la lecture ; nous le lui faisons ranger tout de suite, certains qu'il nous vaudrait d'être assaillis sur le champ. Comme mon beau-père se moque d'elle, elle lui assène pour plaisanter quelques coups de son guide de voyage sur la tête, ce qui provoque la stupeur ou l'amusement chez les Egyptiens qui assistent à la scène : l'un d'eux, qui conduit nonchalamment sa charrette, manque d'avoir un accident en se retournant tant il est stupéfait ; des femmes rient de bon coeur, ainsi qu'un vieil homme assis devant sa maison. Sans le réaliser, elle vient de porter atteinte à l'honneur son mari en quelque sorte ; mais elle est incorrigible, et même les policiers saoudiens ont eu bien du mal à la discipliner dans les soukhs de Jeddah, c'est vous dire ! Puis ma mère, à nouveau, donne un bakhshish à un petit garçon, et nous savons bien ce qui l'attend : elle se trouve bientôt entourée d'enfants qui demandent un bakhshish ou des stylos ; cruels que nous sommes, nous la laissons s'en dépêtrer, et les petits sont tellement mignons ; finalement, un Egyptien plus clément que nous libère ma mère, qui de toute façon se dit qu'elle était contente de faire plaisir à ces petits.

 

 

 

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 Les quais d'Esna, satués de lumière, avec les minarets et la foule des bateaux de croisière...

 

 

L'accès le plus rapide au temple d'Esna se fait par une longue rue bordée d'un soukh. Comme à Edfou, nous décidons de tenter de traverser le plus directement possible ; si nous nous trouvons séparés, rendez-vous devant l'entrée du temple. Là encore, parcours épique, d'autant qu'une gaffe est faite qui va remplir le soukh de "Fred, viens voir ma boutique" sur mon passage ; eh oui, je ne sais plus qui a eu le malheur de prononcer mon prénom, mais les Egyptiens, eux, l'ont bien entendu ! Bref...

 

 

 

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Un exemple de ces maisons inachevées, avec les piliers suggérant des aménagements futurs...

 

 

Nous arrivons enfin à l'entrée de l'accès au temple. Comme toujours, militaires en armes, franchement pas engageants ceux-là ; il faut dire qu'ils doivent s'ennuyer vu le peu de fréquentation, ou alors nous dérangeons leur train-train... Bref. Il faut descendre un escalier, car le temple est situé en contrebas par rapport au niveau de la ville. Je suis heureux de pouvoir ajouter cette visite à notre programme, d'autant que Khnoum est un de mes dieux favoris ! Il ne subsiste guère en fait que la partie antérieure du temple. Les vestiges de polychromie y sont très beaux, en particulier des bleus magnifiques. Très vite, l'un des gardiens s'improvise guide, non sans avoir vérifié qu'aucun policier ne le voit, car la profession de guide est très protégée en Egypte. Comme je suis guide moi-même en France et que j'explique quelques reliefs à mes compagnons d'excursion, je lui sers bientôt d'interprète... et je me retrouve à exercer pour un court instant ma profession en Egypte. Une sensation particulière... De ce fait, je n'ai hélas pas le temps de prendre de photos, car malgré tout le temps nous est compté. A ne pas manquer, entre autres, dans le temple d'Esna : les reliefs représentant la conception et l'enfantement, ainsi que le superbe zodiaque sur le plafond... et les chapiteaux, bien entendu, qui sont de toute beauté.

 

 

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L'un des reliefs à l'entrée du temple...


 

 

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Détail du relief : le dieu Khnoum créant le roi sur son tour de potier ; le thème majeur du décor est donc une légitimation dynastique...

 

 

 

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Les extraordinaires vestiges de polychromie, qui laissent imaginer l'aspect originel du temple...

 

 

Après la visite du temple, nous voilà repris dans la frénésie du soukh. Mon beau-père se lance aux abords du temple dans une négociation "musclée", dans un mélange d'arabe et de français, pour des vêtements destinés à mes nièces ; j'ai beau savoir que ça fait partie du rituel, impressionné, je m'éloigne ; rassurez-vous, le marchand et mon beau-père se sont quittés comme s'ils étaient les meilleurs amis du monde, et le marchand lui a dit qu'il négociait comme un vrai Egyptien ! Du coup, je manque la visite du caravansérail tout proche, que les Egyptiens leur proposent de découvrir. Dès que je me suis éloigné, j'ai littéralement été happé, attrappé par le bras sans possibilité de m'enfuir. Conseil avisé : ne jamais dire "je viendrai voir ta boutique plus tard, si j'ai du temps après la visite", c'est le piège assuré ! En même temps, c'est sympathique quand on le prend avec philosophie. Un premier marchand cherche à me vanter ses statuettes "en granit" ; je sors alors mon briquet pour faire mine de vérifier et il se met à rire, tandis que je lui dis que je sais faire la différence entre granit et résine ou poudre de pierre reconstituée. Comme je voulais quand même quelques statuettes, il m'en montre d'autres de meilleure qualité, et je suis parvenu à les avoir à un prix raisonnable ; nous étions tous deux contents ; j'ai aussi reçu en cadeau un petit Horus en albâtre, de qualité médiocre, mais qui me rappelle mieux qu'une oeuvre de grande qualité l'épisode d'Esna. Dans une autre boutique, achat de boîtes marquetées pour mettre l'encens acheté à Aswan ; rituel complet, avec le temps de s'asseoir et de boire le thé, j'applique la méthode observée chez mes parents, faisant mine de partir, de bouder la qualité du travail, consentant à revenir, et menant à ma grande fierté d'âpres négociations. Une fois les affaires faites, je reste un moment à discuter de l'Egypte avec le marchand et quelques membres de sa famille qui sont là, je suis tombé sur aussi bavard que moi, et là il ne s'agit plus d'acheter, mais de discuter... Par contre, quand je ressors, le tourbillon reprend, je ne sais plus où sont mes parents ni nos amis, j'ai la tête qui tourne et je parviens non sans mal à m'enfuir vers le quai. Ouf, une bonne cigarette sur les rives du Nil, dans le soir qui tombe, à observer la ville...


Après toutes ces péripéties, nous remontons à bord, heureux malgré tout de cette rencontre inattendue. Il y a tant de retard que nous ne devrions au mieux que passer l'écluse dans la nuit. Tandis que je fume ma cigarette du soir sur le pont supérieur, j'observe le spectacle qui constitue l'envers du décor de la croisière, les petites embarcations qui viennent livrer au bateau de croisière les marchandises nécessaires aux cuisines, l'agitation qui régne dans celles-ci, tout en bas...

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  • : Horizons d'Aton - Beyt Kaaper
  • : Une demeure perdue quelque part entre rêve et réalité, dans les sables du désert égyptien ou sur les flots de la Méditerranée. Tournée vers l'horizon, les horizons divers... Les horizons de l'Est et de l'Ouest, comme disaient les anciens Egyptiens... Une demeure un peu folle, pour abriter des rêves un peu fous, des passions, des émotions, des coups de coeur...
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