A travers l'exemple d'une enluminure gothique française du XVe s. , c'est la façon dont on perçoit encore l'Egypte ancienne dans l'Occident médiéval que nous pourrons approcher. L'Europe a alors déjà eu des relations directes avec l'Egypte, en particulier à travers le commerce dans lequel Italiens et Provençaux figurent parmi les mieux implantés et les plus actifs. Des pèlerins s'y rendent parfois lors de voyages en Terre Sainte, et les premiers voyageurs s'y aventurent déjà. Pourtant, on n'a encore de perception de la civilisation égyptienne antique qu'à travers les récits bibliques et éventuellement la tradition gréco-romaine. Il est vrai aussi que l'on ne connaît guère de l'Egypte que le port d'Alexandrie...
Cette enluminure, intitulée " Egyptiens fêtant leurs dieux " , est extraite d'un manuscrit français du XVe s. , le " Miroir Historial " de Vincent de Beauvais dans une traduction de Jean de Vignay*. La scène est transposée, comme presque toujours, dans un contexte contemporain. Elle se déroule au pied d'une colline surmontée d'arbres. A gauche, au pied d'un taureau juché sur une colonne à chapiteau corinthien, deux personnages jouent de la musique, tandis qu'au centre d'autres personnages dansent en faisant la ronde. A droite, on distingue quatre personnages joignant les mains au pied de deux statues juchées elles aussi sur des colonnes ; celle de gauche, masculine, est surmontée de la mention "Apis" (allusion à Sérapis ?) ; celle de droite, féminine, est surmontée de la mention "Ysis". Derrière eux se dresse le temple en forme d'édicule médiéval ouvert. A l'arrière plan, une rivière, sans doute le Nil, et un paysage de campagne.
Détail du taureau.
Rien dans tout cela n'évoque réellement l'Egypte antique, mais bien plutôt l'Europe médiévale. On remarque cependant quelques détails intéressants, comme le taureau qui peut faire penser à Apis (mais aussi au Veau d'or de la Bible) ou le personnage sur sa colonne portant le doigt à sa bouche, qui pourrait évoquer Harpocrate bien qu'il porte la barbe et soit présenté comme "Apis".
Détail sur les dieux et le temple en forme d'édicule médiéval.
* BNF ms fr 50, folio 52, Paris, XVe s.