Une demeure perdue quelque part entre rêve et réalité, dans les sables du désert égyptien ou sur les flots de la Méditerranée. Tournée vers l'horizon, les horizons divers... Les horizons de l'Est et de l'Ouest, comme disaient les anciens Egyptiens... Une demeure un peu folle, pour abriter des rêves un peu fous, des passions, des émotions, des coups de coeur...
Nous ajouterons ce récit aux Citations des Horizons, car c'est souvent lui qui a servi de base aux artistes représentant ce sujet. Il nous sera donc utile dans notre promenade sur le thème de Cléopâtre à travers la peinture.
Hans Makart, La Mort de Cléopâtre (1875-1876, huile sur toile, Staatliche Kunstsammlungen, Kassel)
" Après s'être ainsi lamentée, elle couronna de fleurs et embrassa la tombe1, puis elle se fit préparer un bain. Une fois baignée, elle se mit à table et prit un repas somptueux. Un homme arriva alors de la campagne, portant un panier. Comme les gardes lui demandaient ce qu'il contenait, il l'ouvrit, écarta les feuilles et leur montra qu'il était plein de figues. Les gardes admirant la beauté et la grosseur des fruits, l'homme sourit et les invita à en prendre ; ainsi mis en confiance, ils le laissèrent entrer avec ce qu'il portait. Après son déjeuner, Cléopâtre prit une tablette qu'elle avait écrite et cachetée, et l'envoya à César2, puis, ayant fait sortir tout le monde, à l'exception de ses deux femmes dont j'ai parlé, elle ferma la porte. Quand César eut décacheté la tablette et lu les prières et les supplications par lesquelles elle lui demandait de l'ensevelir avec Antoine, il comprit aussitôt ce qu'elle avait fait. Il songea à aller lui-même à son secours, puis il envoya en toute hâte des gens pour voir ce qui s'était passé. Le drame avait été rapide ; car, venus en courant, ils surprirent les gardes qui ne s'étaient aperçus de rien, et ouvrant la porte, ils trouvèrent Cléopâtre morte, couchée sur un lit d'or et vêtue de ses habits royaux. L'une de ses servantes, appelée Iras, expirait à ses pieds ; l'autre, Charmion, déjà chancelante et appesantie, arrangeait le diadème autour de la tête de la reine. Un des hommes lui dit avec colère :" Voilà qui est beau, Charmion !" " Très beau, fit-elle, et digne de la descendante de tant de rois." Elle n'en dit pas davantage et tomba sur place, près du lit.
L'aspic, dit-on, fut apporté à Cléopâtre avec ces figues et il avait été caché sous les feuilles, car elle l'avait ainsi ordonné, afin que l'animal l'attaquât sans même qu'elle le sût ; mais, en enlevant des figues, elle le vit et dit : "Le voilà donc ! ", puis elle dénuda son bras et l'offrit à la morsure. D'autres prétendent qu'elle gardait cet aspic enfermé dans un vase et que, Cléopâtre le provoquant et l'excitant avec un fuseau d'or, il bondit et s'attacha à son bras. Mais personne ne sait la vérité, car on a dit aussi qu'elle portait toujours du poison dans une épingle à cheveux creuse et qu'elle cachait cette épingle dans sa chevelure. Cependant aucune tache ni aucune autre marque de poison n'apparut sur son corps. On ne vit pas non plus de serpent à l'intérieur, mais on disait en avoir observé des traces le long de la mer, du côté où donnait sa chambre et où il y avait des fenêtres. Certains affirment que l'on aperçut sur le bras de Cléopâtre deux piqûres légères et peu distinctes, et c'est à ce rapport, semble-t-il, que César ajouta foi, car à son triomphe on porta une statue de Cléopâtre elle-même avec l'aspic attaché à son bras. Voilà donc ce que l'on raconte.
César, tout fâché qu'il était de la mort de cette femme, admira sa grandeur d'âme, et la fit ensevelir avec une magnificence royale auprès d'Antoine. Il fit faire aussi à ses suivantes des obsèques honorables. "
Plutarque, Vie d'Antoine, 85-86, 1-7
Notes :
1- Le tombeau d'Antoine, dans lequel elle avait obtenu l'autorisation de se rendre.
2- C'est-à-dire Octave.