Voici la naissance d'une nouvelle catégorie, qui correspond au projet de favoriser l'interactivité des Horizons avec les lecteurs et intervenants extérieurs au-delà des seuls commentaires. Pourquoi " Horizons des Hôtes " ? Parce que Beyt Kaaper est cet espace où vous êtes chez vous, où vous êtes accueillis justement dans l'esprit d'échange. Dans cette catégorie seront publiés des articles envoyés par nos lecteurs et nos visiteurs qui le souhaitent, soit de façon ponctuelle, soit de façon régulière. Comment procéder ? C'est très simple : il vous suffit de prendre contact avec moi par le lien de contact du blog et de m'envoyer vos idées, ou vos textes s'ils sont déjà rédigés ; nous en discutons ensemble, et ils sont publiés ici. Ne soyez pas timides, n'oubliez pas que le symbole d'Aton ce sont ces bras s'étendant vers tous les Horizons, et les vôtres aussi nous intéressent.
La première à se prêter très gentiment à cette expérience est notre amie Taidh, que vous avez dû croiser dans les commentaires des articles. Etudiante à Tübingen, en Allemagne, elle se propose de nous faire découvrir cette ville et ses environs, mais aussi l'expérience de son séjour et ses passions. Elle a choisi la forme épistolaire, et voici la première de ces lettres qu'elle nous fera parvenir régulièrement. L'occasion de découvrir d'autres Horizons, à travers d'autres yeux. Qui plus est d'un pays qui lui aussi est cher à mon coeur, pour de multiples raisons dont nous reparlerons peut-être à l'occasion. Mais laissons la parole à Taidh pour ce premier article, merci encore à elle.
Tübingen en Suabe, ce 26 septembre 2009, tôt le matin
Chères lectrices, chers lecteurs,
Je suis connue ici sous le nom de Taidh, la rousse Irlandaise. J'avoue aujourd'hui que ce n'est qu'un subterfuge : je ne suis ni rousse, ni « Hibernienne » ( sinon dans le coeur ). Bien que de mère allemande et de père néerlandais, j'ai passé toute mon enfance en France. Je m'apprête à commencer mes études et j'ai choisi de le faire Outre-Rhin. Sur proposition de Kaaper, j'ai sellé mon fidèle ordinateur Télémaque pour écrire une première lettre aux Horizons et apporter au lointain Orient un peu de la fraîcheur matinale du Baden-Würtemberg.
Avant de parler de Tübingen, j'aimerais faire un petit saut dans le passé. Nous sommes il y a quelques années de cela. Je suis assise derrière dans la voiture d'une amie de ma mère, c'est la première fois que je lui rends visite chez elle à Weinheim an der Bergstrasse, aussi prend-elle soin de me présenter cette petite ville. Très vite elle en vient à évoquer un bref séjour de Goethe, propos qu'elle nuance immédiatement : " Aber Goethe war überall ! " ( " Mais Goethe était partout ! " ). C'est vrai ! Rares sont les communes allemandes qui ne clament pas avoir hébergé pour une nuit le grand écrivain.
Tübingen fait mieux ! Goethe s'y rendit 1, y resta plusieurs nuits et évoqua la ville dans une lettre. Qu'a-t-il pensé de son séjour ? La ville ne lui a pas plu, les maisons trop traditionnelles avec leurs grands volets et la vieille ville trop étroite et sale ; par contre il a apprécié la vue sur les trois vallées qui entourent la ville, celles du Neckar, de la Ammer et de la Erms, et aussi les habitants. En effet c'est là que vivait l'éditeur par excellence, celui qui fut le pilier de la littérature allemande à la fin du XVIIIe s. et au début du XIXe s. : Friedrich Cotta 2 .
Un malicieux étudiant affirme, pour tourner en ridicule les nombreux panneaux commémoratifs, que Goethe y vomit comme cela est écrit sur le pannonceau accroché à sa fenêtre !
Goethe écrivit de nombreuses lettres depuis Tübingen, celles rédigées en français sont datées de " Tübingen en Suabe ". J'ai repris cette appellation que je préfère au gallicisme « Tubingue », mais je ne partage pas tout à fait le point de vue de Goethe. La vieille ville à beaucoup de charme ( et pour sûr elle a changé depuis sa visite ), mais je vous en parlerai une autre fois.
Goethe vint pour rencontrer son éditeur, mais qu'est-ce qui a bien pu m'amener ici ? Je voulais étudier en Allemagne pour échapper au système universitaire français, il fallait donc choisir où en Allemagne. Le Nord fut écarté d'office, les Süddeutschen et les Norddeutschen ne peuvent vivre ensemble, sans compter que ce serait vraiment trop loin de la France. Le choix étant encore vaste, ma mère et moi prîmes alors une carte de la Bundesrepublik et ma mère imita tous les accents des régions encore disponibles. J'en vins à la conclusion, que beaucoup de Français ne comprendront sans doute pas, que celui que je supportais le mieux était le Souabe, celui que je connais aussi le mieux. Je décidai de préparer un diplôme franco-allemand, et l'heureuse élue fut donc Tübingen. Une ville d'ailleurs très francophile. Cela me permit de perpétuer une tradition familiale vieille de quatre générations. Je pourrai, en conséquence, vous parler d'anecdotes plus anciennes et montrer l'évolution de cette ville, qui comme toutes les autres a son histoire, ses bizarreries et ses perles enfuies. Je perpétuerai ainsi une autre tradition : celle des récits de voyage, bien que mon séjour ici soit moins exotique et aventureux que celui, par exemple, de Louise Colet en Egypte.
Tübingen umbilicus mundis
Me voici donc au bord du Neckar, à une heure en train de la métropole Stuttgart, environ quatre heures, dont une en avion, de voyage de Dublin et une demi-journée de ma chère Haute-Saône ; mais, par chance, à seulement quelques clics de l'Égypte et de la Provence. J'espère que cette petite introduction vous a plu et vous a rendus curieux.
Avant de nous quitter voici encore les deux principales vues "carte postale" de Tübingen :
Le Hölderlinturm vu depuis le pont du Neckar
La mairie avec la fontaine de la place du marché
Notes :
1. Pendant l'été et l'automne 1797, il ne s'y rendit qu'après de nombreuses incitations de son ami Schiller, qui était Souabe. Il fut hébergé dans la maison de Cotta.
2. Johann Friedrich Freiherr von Cotta (* 27 avril 1764 à Stuttgart - † 29 décembre 1832 à Stuttgart), libraire et éditeur allemand. Issu d'une famille ancienne qui prétendait descendre des Cotta de Rome, prit en 1787 la direction de la maison de librairie fondée par sa famille à Tubingue en 1645. Il fonda le journal les « Heures » avec Gœthe et Schiller ; la « Gazette universelle », à laquelle coopérèrent les plus grands écrivains de l'Allemagne. Il fut longtemps le patron des gens de lettres de l'Allemagne, et fonda l'Institut artistique et littéraire de Munich.
Texte, notes et photos sont de Taidh.
Remarque ( Kaaper ) :
Les non-germanistes seront peut-être surpris de ce qu'évoque Taidh dans son récit quant aux différents parlers des régions d'Allemagne. C'est que l'Allemagne n'a pas connu très tôt la centralisation politique et culturelle comme en France, donc pas non plus cette forme de domination linguistique qui, en France, a failli faire disparaître totalement les langues et dialectes régionaux. Dans les différentes parties de la République Fédérale, même s'il y a une langue commune, on parle des dialectes variés parfois très différents, avec des accents qui peuvent être un vrai casse-tête - ah, ma première conversation téléphonique avec un Bavarois, épique !
Enfin, vous avez à plusieurs reprises trouvé l'évocation de la Souabe et des Souabes. La Souabe ( en allemand " Schwaben " ), située au sud-ouest de l'Allemagne, est une ancienne région historique allemande, royaume puis duché, qui correspond à l'actuel Land du Bade-Würtemberg et à une partie sud-ouest du Land de Bavière ; ses habitants sont les Souabes, bien entendu. Et le souabe ( en allemand "schwäbisch " ) est le dialecte germanique parlé dans cette région.