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7 juillet 2014 1 07 /07 /juillet /2014 12:14

 

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Marguerite de Valois, plus connue sous le nom de reine Margot...

 

Parmi les femmes qui ont marqué l'histoire de France, Marguerite de Valois (1553-1615), plus connue sous le surnom de Margot, occupe sans aucun doute une place de premier plan. Bien avant l'heure, elle est une femme indépendante, qui assume ses goûts et ses choix, fait fi des règles étriquées ; dans une époque troublée, elle parvient à développer une culture brillante, à prendre des décisions que beaucoup d'hommes n'auraient pas eu le courage de prendre... Et ses rapports avec son époux, Henri de Navarre, devenu roi de France sous le nom d'Henri IV, sont extrêmement touchants et révèlent l'humanité des deux personnages : de l'inimitié farouche des débuts, ils en sont venus à un respect et une amitié sincères qui font honneur à l'héritière des Valois.

 

 

 

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Dans ce portrait de Marguerite enfant transparaît déjà la détermination d'une femme de caractère.

  

Sa vie est un véritable roman, ponctué de drames et de grandeurs, mais surtout faite d'une volonté tenace de faire ses propres choix. Margot ne sera pas, autant que possible,  le jouet que l'on aurait parfois voulu ; elle existe par elle-même, devançant de très loin ces femmes qui, beaucoup plus tard, sauront imposer à la société de reconnaître des droits fondamentaux. Il ne s'agit pas ici de retracer la vie de Margot, ni de prétendre tout dire à son sujet. Le personnage est trop fascinant et trop complexe pour cela. Mais plutôt de rendre hommage à cette femme qui sut faire de son destin, parfois cruel, un parcours d'exception. Dissiper aussi certaines idées reçues et autres rumeurs véhiculées par des historiens médiocres et des romanciers sur la base de calomnies ; certains ont eu du mal à pardonner à Margot d'être admirable tout en étant une femme, peut-être...

 

 

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Sa mère Catherine de Médicis fut elle-même une femme qui dut s'imposer dans une période difficile ; c'est peut-être d'elle que Marguerite tient sa volonté.

 

  

Septième enfant du roi Henri II et de Catherine de Médicis, elle naît en 1553 au château de St-Germain-en-Laye. La figure féminine marquante de son enfance est sa mère Catherine, pour laquelle elle éprouve à la fois de la crainte et de l'admiration ; mais une chose est certaine : dans ces temps difficiles, sa mère lui montrera qu'une femme peut s'imposer dans un monde régi par les hommes, c'est sans doute la plus grande leçon qu'elle reçut de Catherine et qui marquera sa vie. Elle est très proche de ses frères, en particulier Alexandre ( qui deviendra Henri III ) et Hercule ( qui deviendra François, duc d'Alençon ) ; les mauvaises langues, aujourd'hui encore, parlent d'inceste : balivernes inventées pour salir la dynastie des Valois que des historiens peu scrupuleux se sont empressés de reprendre... Dans la réalité il n'en est rien ; sa vie durant, ses rapports avec ses frères seront faits d'amour et de haine, de trahisons et d'incompréhension, mais sûrement pas de ce qu'on a colporté injustement. Les Valois ont fait l'objet des rumeurs les plus insensées, et il est regrettable qu'on puisse encore les relayer ; de plus les femmes de l'histoire paient cher leur grandeur, souvent on les accable de on-dit les plus orduriers...


 

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Son frère Hercule-François (1554-1584) , duc d'Alençon, pour lequel elle n'hésitera pas à prendre des risques.

 

 

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Son frère Alexandre, qui deviendra roi sous le nom d'Henri III et avec lequel les rapports seront plus que tumultueux.

 

 

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Henri de Guise (1550-1588), chef du parti catholique, qui passe pour avoir été son premier amour.

 


Marguerite est belle, ses contemporains s'accordent à ce sujet. Mais elle est également une princesse brillante et cultivée, imprégnée de la culture de la Renaissance ; elle a d'ailleurs beaucoup écrit et nous a laissé des poèmes et lettres qui permettent de mieux appréhender sa personnalité. On lui prête de nombreux amants, et là encore il faut être prudent ; mais il est vrai que Margot s'affirme tôt, dans le domaine de l'amour, comme une femme indépendante et libre de ses choix, privilège largement réservé aux hommes pour longtemps encore... Elle appréciera les plaisirs de la chair, mais sera également très imprégnée de la tradition des amours platoniques qui placent l'union des âmes au-dessus de l'union des corps. Il faut donc veiller à ne pas se méprendre sur ses relations amoureuses...

 

 

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Henri de Navarre, avec lequel elle a passé une partie de sa jeunesse à la cour et qu'elle sera contrainte d'épouser.

 

 

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Margot en 1571, à la veille de son mariage avec Henri.

 


Sa vie bascule lorsqu'elle devient un enjeu politique, ce qui est le destin de toute princesse de sang royal. Sa soeur Henriette a épousé le roi d'Espagne, sa soeur Claude Charles III de Lorraine. Difficile à comprendre aujourd'hui, mais les mariages princiers ne sont pas à l'époque une question d'amour, ce sont des unions politiques ; d'ailleurs, le mariage en général, dans toutes les couches de la société, n'est pas alors affaire d'amour mais de stratégie, on a trop tendance à l'oublier... Ce qui pose problème, ce n'est pas le mariage arrangé lui-même, mais le choix du futur époux : pour tenter de concilier catholiques et protestants, on décide de marier Margot à Henri de Navarre. La mère de ce dernier, Jeanne d'Albret, se montre négociatrice redoutable et ne cache pas son mépris pour la jeune princesse. Margot, pour la première fois, va faire preuve de son esprit rebelle : si elle se plie aux projets d'union malgré sa répulsion pour Henri, elle refuse l'exigence de sa future belle-mère de se convertir au protestantisme. Le mariage est célébré à Paris en août 1572 et sera suivi de l'horrible massacre de la St-Barthélémy. Là encore, Margot montre toute la mesure de son personnage ; catholique convaincue, elle n'en protège pas moins son époux... Alors qu'elle pourrait échapper à cette union au vu des événements, elle choisit de rester l'épouse d'Henri de Navarre. Leurs relations seront ainsi toute leur vie durant : pas d'amour ni même de proximité, mais un respect mutuel et une certaine forme d'amitié, chacun respectant la liberté de l'autre ; houleuses, certes, mais sans animosité profonde. Henri a de nombreuses maîtresses, Margot aura des amants... Elle assumera son goût pour les plaisirs presque autant que son royal époux, chose peu ordinaire pour une princesse de cette époque !

 


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 Louis de Bussy d'Amboise (1549-1579), l'un des amants de Marguerite.

 

 

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Le château de Nérac où, épouse du roi de Navarre, elle parvient à rassembler une cour brillante.

 


En 1578, elle séjourne chez son époux au château de Nérac, où elle développe une cour brillante en s'entourant de lettrés et d'artistes : Agrippa d'Aubigné, Guy du Faur de Pibrac, Salluste du Bartas et même le grand Montaigne avec lequel elle nouera une véritable amitié. Au gré des événements et du rôle qu'elle y joue ou qu'on lui prête, ses relations avec sa famille se dégradent et son frère, devenu roi sous le nom d'Henri III, la fait emprisonner en 1586 au château d'Usson ; après les plaisirs de Nérac, les rigueurs de la captivité. Marguerite rédige ses Mémoires, lit beaucoup et reçoit des amis écrivains, en particulier Brantôme et Honoré d'Urfé. Elle ne quittera finalement Usson qu'en 1605...

 

 

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Usson, en Auvergne, où Marguerite vécut exilée 19 ans dans la forteresse médiévale qui a été détruite plus tard par Richelieu.

 


Henri de Navarre monte sur le trône en 1589 sous le nom d'Henri IV. Pour asseoir sa position et assurer la descendance dynastique, il a besoin de faire annuler son mariage avec Marguerite. Celle-ci fait à nouveau preuve de son esprit frondeur : si l'idée d'être déliée de cette union et d'être enfin entièrement libre ne lui déplaît pas, elle refuse la perspective qu'Henri fasse annuler son mariage pour épouser sa maîtresse, Gabrielle d'Estrées. La mort de cette dernière apporte la solution et le mariage est annulé ; Henri épouse Marie de Médicis en 1600 et Margot est à présent une femme libre.

 

 

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Pierre de Bourdeille, dit Brantôme (1549-1614), fut un de ses amis les plus fidèles et adoucira son séjour forcé à Usson.

 


On a tendance à oublier les dernières années de sa vie ; on oublie souvent, d'ailleurs, qu'elle vécut le début du XVIIe s. et contribua à la grandeur de la Renaissance finissante et à la naissance du "Grand Siècle". Elle revient à Paris en 1605 et s'y installe dans un magnifique hôtel construit rive gauche, face au Louvre. Comme autrefois à Nérac, elle y organise des fêtes somptueuses, y reçoit les grands esprits de son temps, comme Marie de Gournay, Etienne Pasquier, Mathurin Régnier, ou encore Théophile de Viau... Jusqu'au bout, Marguerite montre son intelligence autant que son indépendance d'esprit. Elle se liera d'amitié avec Marie de Médicis et fera de Louis XIII, fils d'Henri et de Marie, son héritier...

 

 

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Marie de Gournay (1565-1645), femme de lettres, autre figure féminine étonnante de l'époque, qui fit partie des habitués de l'hôtel de Marguerite à Paris au début du XVIIe s.

 


Fascinante Marguerite, indomptable Margot, qui fut sans doute la plus brillante et la plus audacieuse des princesses françaises de la Renaissance. Une femme en fin de compte très moderne, qui a ouvert la voie à ces femmes du XVIIe s. qui n'ont pas voulu se contenter du rôle secondaire qui leur était assigné. Une femme de goût et une femme d'esprit à laquelle on rend hélas bien mal justice très souvent dans l'histoire officielle... Un personnage, en tout cas, que j'affectionne tout particulièrement.

 

 

 

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Marguerite, la dernière des Valois-Angoulême, brillante princesse de la Renaissance française...

 

 

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 ... mais aussi Margot l'insoumise, annonciatrice du rôle grandissant des femmes dans la culture du XVIIe s.

 


Il existe une foule d'ouvrages sur Marguerite de Valois, plus ou moins bons et plus ou moins fiables. Rien ne vaut cependant de faire sa connaissance à travers ses propres écrits, comme chaque fois que cela est possible ; vous pourrez trouver ses Mémoires et ses lettres sur le site Gallica de la BNF. Je vous conseille également de lire les lettres qui lui ont été écrites par Henri IV et qui reflètent la relation entre ces deux personnages. Par contre, je ne saurais que trop vous encourager à vous éloigner des élucubrations de Dumas et de celles du cinéma, où tous les clichés et calomnies sont hélas repris...

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25 octobre 2009 7 25 /10 /octobre /2009 08:00

Sur une double page du Süleymanname du musée de Topkapı se développe une scène montrant la flotte ottomane hivernant dans le port de Toulon en 1543.

La plus ancienne représentation actuellement connue de la ville et du port de Toulon est une miniature ottomane conservée au musée du palais de Topkapı, à Istanbul. Il s'agit de l'une des illustrations du Süleymanname de ‘Ali Amir Beg Shirwani (vers 1558), qui retrace les événements du règne de Soliman le Magnifique1. Dans cet ouvrage sont représentés de nombreux ports, dont celui de Toulon. Ce n'est pas un hasard si Toulon, dont le port est encore à l'époque d'importance tout à fait secondaire, se trouve ainsi dans un manuscrit ottoman : retour donc au préalable sur un épisode historique dont la miniature témoigne.


En mars 1543, la flotte ottomane tente d'abord avec l'aide des Français une attaque contre la forteresse de Nice ( miniature du Süleymanname, musée de Topkapı , Istanbul ).



En 1542, le roi de France François Ier s'est allié avec le sultan ottoman dans le conflit qui l'oppose à l'empereur Charles Quint2 ; cela provoque bien entendu l'indignation dans l'Occident chrétien. L'année suivante, en mars 1543, la flotte turque, composée de 174 galères et de 4 navires de transport, quitte Istanbul pour aller attaquer Nice3 avec l'aide des Français. François Ier autorise l'amiral Khayr ed-Dîn4, le fameux Barberousse, à hiverner dans le port de Toulon. Tandis que les navires ottomans entrent dans la rade le 29 septembre 1543, les femmes et les enfants, ainsi que les Toulonnais qui le souhaitèrent, sont évacués vers les villes et villages alentour afin de loger les équipages turcs en évitant les problèmes de voisinage. A vrai dire, les Toulonnais ne sont guère enthousiastes et plutôt effrayés : ceux qu'on appelle alors indifféremment les « Barbaresques » sont la terreur des marins et des pêcheurs ; et quelques années plus tôt, en 1531, des navires de Barberousse avaient même mis à sac La Garde et La Valette5 en débarquant dans le golfe de Carqueiranne... La cathédrale est mise à disposition pour servir de lieu de culte : Ste-Marie de la Seds a ainsi été aussi une mosquée le temps d'un hiver ! Khayr ed-Dîn est logé dans la partie d'habitation de la savonnerie de Melle de Mottet. Les 30 000 Turcs furent hébergés principalement dans le faubourg du Portalet, soit en dehors de l'enceinte. La flotte ottomane repart de Toulon au mois de mars 1544, après un séjour d'environ 6 mois. La cohabitation semble s'être plutôt bien passée, mais ce fut cependant un coût énorme pour la ville, que le roi remercia en lui accordant 10 ans d'exemption de taille et de logement des troupes. Les auteurs du XIXe s. racontent que lors des travaux dans le quartier de l'actuel Opéra, on aurait retrouvé des sépultures ottomanes... impossible bien entendu à vérifier.


Sur la miniature du Süleymanname représentant Toulon, on peut tout à fait identifier des éléments du paysage :  la Grosse Tour à l'extrémité de la pointe de la Mitre (1) ; le port de Toulon avec son môle et la plage bordant les remparts du XIVe s. (2) ;  le mont Faron (3) ; le Coudon (4) ; la rivière de l'Eygoutier (5) ; le mont Caumes (6) ; le Baou et le massif du Croupatier (7) ; la rivière du Las (8) ; la Reppe et les gorges d'Ollioules (9).


Toulon vu de la mer aujourd'hui : le port de Toulon (1) ; le mont Faron (2) ; le Coudon (3) ; le Baou à l'extrémité du Croupatier (4).

Cette miniature est particulièrement intéressante à plusieurs titres, par les détails qu'elle fournit sur l'aspect de la ville à cette époque. Malgré le style propre aux miniatures ottomanes, avec l'absence de perspective et la schématisation, on identifie parfaitement des éléments du paysage : la petite rade, le mont Faron dominant la ville au nord, le Coudon à l'est, le massif du Croupatier à l'ouest. Les deux rivières également, qui n'ont à cette époque pas encore été détournées : le Las, côté ouest, franchissable par un pont qui a donné son nom à l'un des faubourgs ; l'Eygoutier, côté est.


Détail de la miniature sur la ville de Toulon : on peut identifier le môle sur lequel ouvre le Portal de la Mar ( Porte de la Mer ) (1) ; la Porte et la Tour du Portalet, au sud-ouest de l'enceinte (2) ; la Tour de Fos, servant de clocher à la cathédrale (3) ; le faubourg du Portalet, où furent logés la plupart des Turcs en 1543 (4) ; le Pesquier, au sud-est de l'enceinte (5).


Plan de Toulon à la fin du Moyen Age et au début du XVIe s. reconstitué en 1869 par l'historien toulonnais Octave Teissier d'après les cadastres et la miniature de Topkapı.


La ville est encore entourée de ses vieux remparts médiévaux remaniés au XIVe s. et ne dispose que d'un môle auquel donne accès une porte fortifiée. Informations d'autant plus précieuses qu'il ne reste rien, aujourd'hui, de ces anciennes fortifications médiévales, sinon dans le plan de la vieille ville ; elles ont en effet été rasés lors de l'agrandissement d'Henri IV, en 1595.


Détail sur la Grosse Tour, ou Tour Royale, dans la miniature du Süleymanname...

... et vue actuelle de celle qui fut la première fortification de la rade de Toulon. Créée à l'initiative du roi  Louis XII, elle fut édifiée de 1514 à 1524 sous la direction de l'ingénieur italien Jean Antoine de la Porta. A peine achevée, elle sera prise et occupée par les impériaux du chevalier de Croÿ.




Notes : 

  

1- Süleyman I, sultan ottoman de 1520 à 1566.
2- La Provence et Toulon ont déjà été attaqués deux fois par les impériaux en 1524 et 1536.

3- Qui n'appartient plus à la Provence depuis 1388, mais aux ducs de Savoie.
4- En turc Hayreddin Pa
şa (1466-1546), chrétien converti à l'islam originaire de l'île de Mytilène, d'abord corsaire au service des Ottomans, puis roi d'Alger sous la suzeraineté du Sultan ottoman en 1518, et enfin grand amiral de la flotte ottomane en 1533. Cette campagne contre Nice, durant laquelle eut lieu l'hivernage à Toulon, fut la dernière de sa carrière.
5- Deux petites villes voisines à l'est de Toulon.


Le Sultan Süleyman I reçoit son grand amiral Hayreddin dans son palais d'Istanbul (miniature du Süleymanname). 

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14 juillet 2009 2 14 /07 /juillet /2009 18:15


Jean-Baptiste Lallemand,  " La Prise de la Bastille " ( huile sur toile, vers 1790-1795 ? , Musée Carnavalet, Paris ) ; sur la droite, on aperçoit le gouverneur de la forteresse, le marquis de Launay, entraîné par la foule avant d'être lynché et littéralement dépecé... Toute une imagerie nous vient immédiatement en mémoire à l'évocation de cet événement.


Le 14 juillet, une date choisie comme fête nationale par la République française, commémorant, même si c'est indirectement1, la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 ; on pourrait d'ailleurs discuter de la validité de ce choix2.  Autour d'un événement parmi d'autres qui marquent les débuts de la Révolution, toute une légende s'est progressivement construite, dans laquelle il n'est pas toujours si aisé de démêler le vrai du faux. La Bastille serait ainsi le symbole de l'absolutisme et de l'arbitraire monarchique, comme nous l'avons tous appris à l'école depuis notre plus jeune âge ; avec des captifs par dizaines retenus dans des cachots sordides et des conditions épouvantables. La réalité historique est toute autre, et cette prison d'Etat n'a finalement accueilli que bien peu de prisonniers, et encore pas dans les conditions que l'on a évoquées par la suite3. C'est précisément aux derniers de ces prisonniers que cet article va plus particulièrement s'intéresser. De grands noms ont été au cours de l'histoire " embastillés ", selon l'expression consacrée4. Mais qui étaient ceux de ces prisonniers que l'émeute libéra le 14 juillet 1789 ?


Plan de la forteresse de la Bastille : les cellules se trouvaient pour l'essentiel dans les différentes tours de l'édifice ( gravure du début du XIXe s. ).


Lorsque la foule parisienne se lance à l'assaut de la vieille forteresse médiévale, celle-ci ne compte à vrai dire plus que sept prisonniers, dont les cellules ne sont même pas fermées. Le marquis de Launay, gouverneur de la Bastille, les laisse aller à leur guise. Louis XVI et son ministre prévoyaient d'ailleurs la fermeture de cette prison devenue superflue5, depuis que des restrictions avaient été émises sur les fameuses lettres de cachet6 qui ont tant alimenté l'imaginaire collectif.


Parmi ces sept derniers pensionnaires de la Bastille, quatre sont de simples escrocs, qui ont été condamnés à la prison pour avoir falsifié des lettres de change. Emprisonnés depuis janvier 1787, ils se nomment Jean Antoine Pujade, Bernard Laroche, Jean Béchade et Jean La Corrège. Le Parlement de Paris avait en effet dans sa juridiction le pouvoir de condamner à l'embastillement certains délinquants. Rien à voir donc, les concernant, avec l'arbitraire royal. Ils ne goûteront d'ailleurs pas très longtemps à cette liberté, puisqu'ils sont repris et à nouveau incarcérés quelques jours plus tard.

Celui qui, à l'été 1789, a sans doute passé le plus de temps à la Bastille est un certain Auguste Tavernier, qui aurait été complice de la tentative d'assassinat contre Louis XV par Damiens, en 1757. Souvenez-vous, Damiens est le dernier en France à avoir été condamné à l'atroce supplice de l'écartèlement. Louis XV, qui avait fort bien compris qu'il ne s'agissait que de l'acte isolé d'un déséquilibré, aurait volontiers fait preuve de clémence à l'égard de Damiens ; mais c'est le Parlement de Paris qui exigea sa condamnation... Quant au présumé complice, il ne fut pas libéré en 1789, mais transféré vers Charenton7, où on internait alors les malades mentaux.

Les deux derniers sont des aristocrates, emprisonnés non pas selon le bon vouloir du roi, mais à la demande de leur propre famille8. Le premier est le comte Hubert de Solages9, embastillé à la demande de son père en 1784 pour ses " actes de débauche " dit la légende, mais " crimes atroces " et " action monstrueuse " disent les documents de l'époque, sans plus de précisions. Le second se nomme le comte de Whyte de Malleville, interné lui aussi à la demande de sa famille, semble-t-il en raison de sa démence. Tous deux ne seront pas non plus libérés, mais également transférés vers Charenton.


Le seul portrait authentique du marquis de Sade, dessiné par Van Loo vers 1760. Le " divin marquis " ne se trouvait plus à la Bastille le 14 juillet 1789, contrairement à ce que l'on croit souvent.

Contrairement à une légende tenace, le célèbre marquis de Sade ne fut pas au nombre des prisonniers de la Bastille libérés en juillet 1789. Le gouverneur avait obtenu peu auparavant son transfert vers Charenton, dont il ne sera libéré qu'un peu plus tard ; il connaîtra par la suite les geôles de la Terreur en 1794, ne devra son salut qu'à la chute de Robespierre, puis sera à nouveau interné à Charenton en 1803...


Une maquette de la Bastille taillée dans l'une des pierres de l'ancienne forteresse ( musée Carnavalet, Paris ).


Sur les sept derniers prisonniers de la célèbre Bastille, aucun ne recouvrera donc la liberté après le 14 juillet 1789. Aucun n'était condamné à vivre dans un cachot sinistre, à la grande surprise des émeutiers eux-mêmes. On inventa donc un autre personnage, le comte de Lorges, qui aurait été emprisonné depuis plus de trente ans dans un cachot sordide ; la foule l'aurait délivré et porté en triomphe : il n'en est rien, tout a été inventé pour alimenter la légende populaire.

Les noms de ces prisonniers sont dans la mémoire collective tombés dans l'oubli total, de même que les motivations réelles de l'insurrection ; l'histoire officielle a construit le mythe fondateur, l'imagination faisant le reste... Mais il n'était pas inintéressant, en ce jour, pour l'anecdote, de se souvenir un instant des derniers embastillés de France.



La Bastille peinte par Hubert Robert avant sa destruction totale ( " La Bastille dans les premiers jours de sa démolition ", huile sur toile, musée Carnavalet, Paris ).



Notes :


1- En principe, et on l'ignore souvent, le 14 juillet commémore la fête de la Fédération, qui eut lieu à Paris le 14 juillet 1790, symbolisant l'union du peuple français. Si la fête de la Fédération célèbre en 1790 le premier anniversaire de la prise de la Bastille, ce n'est que la IIIe République, en 1880, qui choisira cette date comme fête nationale. Je vous présenterai prochainement un monument toulonnais qui témoigne de cette référence. Pourtant, dans l'imaginaire collectif, c'est bien à la prise de la Bastille elle-même que la fête nationale est associée.

2- Entre temps, les historiens romantiques et ultra-républicains, comme Jules Michelet, ont habilement noirci le tableau et développé la légende de ce qui n'est au fond que l'un des événements des débuts de la Révolution ; on aurait très bien pu en choisir un autre, comme par exemple la proclamation de la République ( 21 septembre 1792 ). La prise de la Bastille n'était pas motivée, à l'été 1789, par la volonté d'abattre un symbole de la monarchie absolue. En réalité, la foule voulait tout simplement s'emparer de la poudre et des munitions que l'on disait contenues dans la forteresse, après avoir pillé les Invalides à la recherche d'armes. Comme toujours, l'histoire prend souvent la signification qu'on veut bien lui donner.
 
3- En réalité, la forteresse n'a jamais accueilli guère plus d'une quarantaine de prisonniers à la fois, puisque le nombre de cellules y était tout compte fait limité. C'était pour l'essentiel une prison dans laquelle on s'installait relativement confortablement pour peu qu'on en ait les moyens et dans laquelle on pouvait amener son mobilier et ses domestiques. Un peu comme le quartier de l'actuelle prison de la Santé destiné aux détenus qu'on ne saurait traiter comme le commun des mortels...

4- Parmi lesquels bien entendu Voltaire et Sade, mais aussi le maréchal-duc Louis de Richelieu, petit-neveu du célèbre cardinal qui avait transformé la Bastille en prison d'Etat... Sous Louis XVI, les plus célèbres prisonniers de la forteresse furent les acteurs de la fameuse " affaire du collier de la reine ", de 1785 à 1786, dans l'attente de leur procès : l'escroc Guiseppe Balsamo, dit comte de Cagliostro ( finalement expulsé de France en 1786 ), Jeanne de la Motte-Valois ( elle sera par la suite emprisonnée à la Salpêtrière ) et le cardinal Louis de Rohan, Grand Aumônier de France ( acquitté, mais déchu de son office et exilé en province ). 

5- Dès 1784, Necker, qui a fait fermer la prison du donjon de Vincennes, préconise également de fermer la Bastille et le roi y est a priori disposé. Cela explique d'ailleurs que certains prisonniers soient transférés en 1784 de Vincennes à la Bastille.

6- Les lettres de cachet ordonnant l'emprisonnement émanaient directement du roi, ou le plus souvent de ses ministres et représentants, et permettaient d'incarcérer une personne sans jugement ou dans l'attente de son jugement ; pour des faits certes politiques, mais il faut l'avouer le plus souvent pour des affaires de famille ou de moeurs. L'injustice des lettres de cachet réside plus dans le fait qu'elle permettait aux familles notables de se soustraire à la honte d'un procès, qu'à un véritable arbitraire royal.

7- Hospice destiné aux malades mentaux tenu par les frères de la Charité, créé au XVIIe s. et qui sera fermé en 1792, au moment de la dissolution des ordres religieux, et réouvert en 1797 sous le Directoire.

8- C'était là une chose très courante ; comme nous le disions plus haut, cela permettait à certaines familles d'échapper à l'humiliation d'un procès. C'est ainsi que Mirabeau fut frappé d'une lettre de cachet à la demande de sa famille, de même que le marquis de Sade à la demande de sa belle-mère. Dans ce cas, c'était à la famille d'assurer les frais liés à l'incarcération.

9- En fait, Hubert de Solages est arrêté en 1765 en même temps que sa soeur, Pauline de Barrau, qu'il avait aidée à s'échapper de chez son époux ; ceci à la demande du père d'Hubert et Pauline, ainsi que du mari berné. Evadé de la prison lyonnaise dans laquelle il se trouve, le comte a été transféré en 1782 à Vincennes, puis en 1784 à la Bastille. Bien évidemment, la rumeur veut que le comte de Solages et sa soeur aient été coupables d'inceste... en réalité, comme souvent, des lettres de cachet obtenues dans le cadre d'une sombre histoire de famille bien née...
 

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12 avril 2009 7 12 /04 /avril /2009 09:00




Les oeufs de Pâques, aujourd'hui vidés de toute signification symbolique en Occident, nous sont si familiers que jamais on ne penserait qu'ils nous viennent de si loin et que, là encore, se perpétue sous une forme christianisée une tradition antique. Ils ont une double origine, puisqu'ils sont à la fois liés à la tradition juive de la fête de Pessa'h, qui est à l'origine de la Pâque chrétienne, et à une tradition religieuse de l'Egypte antique.


Plateau de Seder utilisé lors de la fête de Pessa'h, avec l'oeuf figurant parmi les aliments rituels.


La fête de Pâques chrétienne tire son nom même de la fête juive de Pessa'h, qui commémore la sortie des Hébreux d'Egypte. Selon la tradition chrétienne, c'est durant les fêtes de Pessa'h qu'aurait eu lieu la Passion du Christ, d'où l'assimilation. Le Seder, repas codifié de Pessa'h, comprend l'oeuf parmi les aliments traditionnels : appelé betsa, il rappelle l'oeuf associé au sacrifice dans le judaïsme ancien.


L'oeuf, symbole de vie et de renouveau dans l'Egypte antique, à travers de nombreux aspects de la mythologie.


Aujourd'hui encore, lors de la fête de Sham en-neseem, les Egyptiens colorent des oeufs bouillis qui figurent parmi les aliments traditionnels de cette fête qui suit la Pâque copte. Mais cet usage est bien antérieur à l'arrivée du christianisme sur les rives du Nil. De nombreux récits mythologiques font référence à un oeuf primordial (l'oeuf pondu par Amon sous la forme d'une oie, l'oeuf  cosmique de la théologie hermopolitaine fécondé par le serpent d'Amon, etc.). Si bien que dès l'Egypte antique, l'oeuf est associé à l'idée de vie et de renouveau, et lié au printemps. Sham en-neseem, nous le verrons, trouverait son origine dans une fête antique remontant à l'Ancien Empire.


Dans les pays slaves, les oeufs de Pâques deviennent de véritables oeuvres d'art au riche décor.


Comment cette tradition antique se trouva-t-elle christianisée ? A vrai dire, on ne sait pas trop.  Il se peut que l'ancienne tradition juive de Pessa'h soit en partie passée dans le christianisme ; mais la majeure partie des chrétiens anciens étaient des païens convertis, et de ce fait ignoraient tout des coutumes juives, dont la plupart ont été abandonnées par le christianisme et donc non christianisées. Il est vraisemblable qu'une continuité avec l'Antiquité se soit opérée chez les chrétiens d'Egypte, et il est donc fort probable que cette coutume soit venue en Occident par leur intermédiaire, le christianisme égyptien ayant eu une grande influence à l'époque paléochrétienne. Durant le Carême, il était d'usage de ne consommer ni viande, ni oeufs ; les fêtes de Pâques, avec la fin du jeûne, marquaient donc le retour de l'oeuf dans l'alimentation. Il semblerait que ce soit à partir du IVe s. que les chrétiens adoptèrent l'usage des oeufs liés aux fêtes de Pâques, qui coïncident avec celles du printemps. La tradition des oeufs décorés est semble-t-il attestée dès le XIIe s. Elle donnera lieu dans les familles princières et nobles à la réalisation de véritables objets d'art. Et enfin, c'est au XVIIIe s. qu'on aura l'idée de vider les oeufs et de les remplir de chocolat, origine des oeufs en chocolat d'aujourd'hui. L'oeuf est également l'un des symboles de Pâques dans les pays de tradition orthodoxe, avec des décors souvent magnifiques.


Gravure du XIXe s. montrant les cloches s'envolant vers Rome...


On a longtemps raconté aux enfants catholiques que c'étaient les cloches qui déposaient les oeufs pour Pâques ( d'où aussi les chocolats en forme de cloches ) ; en effet, à partir du Jeudi Saint, les cloches de toutes les églises cessaient de sonner durant trois jours, en signe de deuil. On racontait alors que les cloches étaient parties à Rome pour y être bénies par le pape et revenaient pour Pâques. Dans les pays de culture germanique, et donc également chez les Anglo-Saxons, c'est un lapin, ancien symbole païen de la fertilité, qui amène les oeufs ; en Alsace, par exemple, se perpétue la tradition selon laquelle les enfants décorent une sorte de nid dans lequel le lapin de Pâques viendra déposer les friandises.


Le lapin de Pâques des pays germaniques (Osterhase en allemand) dépose les oeufs dans le nid aménagé à cet effet dans le jardin.



Bon week-end de Pâques à toutes et tous !

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24 décembre 2008 3 24 /12 /décembre /2008 18:02

En cette période de Noël, largement dépouillée en Occident de sa signification religieuse et de sa symbolique, il n'est pas inintéressant de se pencher un instant sur les origines de cette tradition. Sans le savoir, là encore, nous perpétuons des cultes antiques jusque dans certains détails qui nous paraissent pourtant bien chrétiens.


Mithra sacrifiant le taureau, entre les personnifications du Soleil et de la Lune ; Soleil Invaincu, symbole de la victoire de la lumière sur les forces obscures, c'est au culte de Mithra que l'on doit la date du 25 décembre pour l'une des fêtes les plus importantes du christianisme.




Rien dans les Ecritures ne donne la date de la naissance de Jésus ; elle est uniquement liée à une tradition venue a posteriori, et fait partie des stratégies mises en place par l'Eglise pour supplanter les cultes païens antérieurs. Au moment où le christianisme commence à prendre de l'importance dans le monde romain, il se heurte à d'autres cultes orientaux qui rencontrent un grand succès parmi la population de l'empire ; les empereurs eux-mêmes ont adopté certaines divinités orientales, comme Cybèle, et se font représenter avec la couronne radiée du " Sol Invictus ", aspect du dieu Mithra. Le concurrent le plus sérieux du christianisme naissant est en effet le culte de Mithra, qui s'est répandu par l'intermédiaire des soldats et des marchands. Et c'est à ce culte que le christianisme ancien va emprunter nombre d'aspects, dont la fête de Noël.




Un autre exemple de stèle mithriaque d'époque romaine, sur laquelle on voit le dieu sous l'aspect du Soleil ; l'aspect lunaire sera repris dans l'iconographie chrétienne par la Vierge.



Le 25 décembre, les adeptes de Mithra fêtait la naissance du dieu, " Dies Natalis Solis Invicti " , la naissance du Soleil Invaincu, l'un des épithètes de Mithra ; proche du solstice d'hiver, elle célébrait la victoire de la lumière sur les forces obscures. " Natalis " est le mot latin qui a donné Noël, une naissance se superposant à une autre. Le christianisme des origines reprit de nombreux éléments du mithraïsme, dont ce symbolisme de la lumière et bien entendu la date du 25 décembre pour la naissance de Jésus. Entre autres éléments du mithraïsme repris par le christianisme, le culte était célébré dans des sanctuaires souterrains et comprenait un banquet durant lequel on consommait en particulier du pain et du vin ! Mithra est particulièrement populaire aux IIIe et IVe s., dans toutes les couches de la société romaine, nous en reparlerons.




Isis allaitant Harpocrate, dite aussi " Isis Lactans ", est apparue en Egypte à l'époque tardive et eut un grand succès durant l'époque romaine ; c'est cet aspect de la déesse égyptienne qui donnera plus tard le modèle iconographique de la Vierge à l'Enfant.


Autre origine païenne, bien entendu, les cultes des populations européennes celtiques et germaniques liés au solstice d'hiver, que le christianisme a recouverts de façon très pratique par l'adoption de la date du 25 décembre empruntée au mithraïsme. Enfin, cette période coïncide également avec la vieille  fête romaine des Saturnales, en décembre, qui était marquée entre autres par des banquets et réjouissances, des décors de guirlandes végétales dans les maisons ou encore des échanges de cadeaux...  

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19 août 2008 2 19 /08 /août /2008 15:15

Le 19 août 1245 se produit dans la capitale du Comté de Provence, Aix, un événement qui ne va pas être sans conséquences pour l'avenir de cet Etat encore indépendant : le comte Raymond Berenger IV 1, comte de Provence et de Forcalquier, meurt en laissant pour héritière sa fille Beatrix.




Statue représentant le comte Raymond Berenger IV dans l'église St-Jean de Malte d'Aix.
 

Une femme héritière ? C'est alors l'usage de la Provence : les femmes héritent au même titre que les hommes ; mais par mariage, elles apportent aussi une part ou la totalité d'une seigneurie, selon le contrat établi lors du mariage. De son mariage avec Beatrice de Savoie, Raymond Berenger IV n'eut que des filles :





Sceau de Marguerite de Provence, fille aînée du comte et épouse du roi de France. Par son mariage, elle a renoncé pour elle et son mari à ses droits sur la succession du Comté de Provence, afin de garantir l'indépendance de celui-ci, même si dès lors il entre plus encore sous influence française.
 

- Marguerite de Provence (1221-1295), mariée en 1234 à Louis IX, roi de France

- Eleonore de Provence (1223-1291), mariée en 1236 à Henri III, roi d'Angleterre

- Sancie de Provence (1228-1261), mariée en 1243 à Richard de Cornouailles, comte de Cornouailles et roi des Romains

- Beatrix (1231-1267).






Beatrix de Provence, comtesse de Provence et de Forcalquier, d'après une statue du XIIIe s. conservée à Marseille.
 

Les trois premières étant mariées, elles ne peuvent hériter du Comté, et c'est donc Beatrix qui devient comtesse de Provence et de Forcalquier. Par un jeu diplomatique complexe qui s'insère dans la politique européenne de Louis IX, elle épousera en 1246 le frère du roi de France, Charles. Ce dernier deviendra ainsi par ce mariage comte de Provence et de Forcalquier sous le nom de Charles Ier d'Anjou, fondant ce qu'on appelle la première dynastie angevine. Ce mariage est une première étape dans le rapprochement entre la Provence, toujours indépendante mais désormais gouvernée par des princes français, et la France ; l'ultime étape sera la réunion de la Provence à la France à la mort du dernier comte de la dynastie angevine, à la fin du XVe s.






Blason de la Provence inspiré de celui des comtes de Barcelone ; c'est ce qu'on appelle le "blason vieux", qui sera remplacé au XVIe s. par le blason moderne fleurdelysé, mais est toujours en usage en Provence. Il est ressenti par les Provençaux comme le véritable symbole de leur identité.
 


Nous reviendrons ultérieurement sur la figure importante qu'est Raymond Berenger IV, dernier comte catalan de Provence. Ses réalisations sont nombreuses : c'est lui qui fixe définitivement la capitale comtale à Aix, ramène le calme dans une Provence où la situation politique est tendue et complexe, crée les armoiries de Provence inspirées de celle de Catalogne, fonde dans les Alpes la ville de Barcelonnette, développe la ville de Martigues et fait construire à Aix l'église St-Jean-de-Malte, premier édifice gothique de la région.







L'église St-Jean de Malte à Aix, première église de style gothique dans une Provence attachée au style roman ; dans les chapelles latérales se trouvaient traditionnellement les tombeaux des comtes de Provence.  

 

1- On l'appelle parfois Raymond Berenger V de Provence ; cela vient de ce qu'au XIIe s. Raymond Berenger IV de Barcelone avait exercé la régence durant la minorité du comte de Provence Raymond Berenger II, entraînant une confusion dans l'ordre dynastique.

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9 novembre 2007 5 09 /11 /novembre /2007 14:34

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Le XVIIe s. est à plusieurs titres une époque fascinante, en France, bien entendu, mais aussi dans toute l'Europe et ailleurs dans le monde. C'est un siècle pour lequel j'ai une grande passion et dont j'aimerais partager certains aspects parfois méconnus qui en font un moment clef de l'histoire ; un siècle aussi sur lequel circulent beaucoup de préjugés.






Théophile de Viau, le prince des libertins, aux vers sulfureux autant que sa vie...



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... et l'extraordinaire Ninon de Lenclos, au destin si exceptionnel en un siècle où les femmes s'affirment.



En France, on y assiste d'abord à la fin magistrale de la Renaissance, sous les règnes d'Henri IV et de Louis XIII. C'est une période d'effervescence artistique durant laquelle toute l'Europe communique, d'échanges culturels et techniques entre le nord et le sud ; celle des voyages à Rome, qui passent en général par ma chère Provence, dont la culture artistique connaît alors son heure de gloire avant de lancer ses derniers feux. C'est aussi une effervescence intellectuelle et littéraire, avec des courants contradictoires ou complémentaires dans les salons, qui façonnent ce que sera la grande littérature française moderne. La liberté de ton nous surprend, car c'est aussi une période durant laquelle on aspire à la liberté : la liberté de pensée, avec le courant libertin qui nous donne des personnages étonnants dont nous parlerons et qui me sont chers.



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Un des personnages les plus extravagants du règne de Louis XIV est sans doute Antonin Nompar de Caumont, duc de Lauzun.




Vient ensuite le long règne de Louis XIV, qui marque un tournant radical et recueille les fruits de la période précédente. Règne controversé, souvent à juste titre, mais souvent aussi mal connu malgré les apparences et surtout mal compris. Pour les Français, c'est un âge d'or culturel et artistique, qui a d'ailleurs amené l'expression de "Grand Siècle" pour désigner ici le XVIIe s. Là encore, des personnages fascinants, surprenants, même si petit à petit le rigorisme religieux revient brider l'expression et les consciences.



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Anne Marie Louise de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, femme indépendante avant l'heure et cousine fantasque de Louis XIV.



Et puis, dans son ensemble, le XVIIe s. est plus que tout autre sans doute le siècle des femmes. Ce sont elles les grandes figures, que ce soit dans l'ombre ou en pleine lumière. Nous y rencontrerons des femmes dont l'indépendance et l'audace ne cessent de nous surprendre à une époque où la femme est encore sensée jouer un rôle secondaire.


Artistiquement, les deux grands courants pour lesquels j'ai une prédilection sont le maniérisme tardif et surtout le baroque. Nous rencontrerons ainsi beaucoup de personnages qui sont liés à ces mouvements. Les oeuvres elles-mêmes seront abordées bien entendu ailleurs, dans les Horizons des Arts.



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Murat IV, sultan ottoman, qui restaure l'autorité du pouvoir central, mais avec des méthodes particulièrement brutales.


Ailleurs dans le monde, c'est par exemple l'époque ottomane, qui produit de véritables chefs-d'oeuvre et exerce une influence importante qu'on méconnaît souvent. Avec là encore des personnages hors du commun. Ou encore en Inde, les Moghols réalisent une fusion entre diverses influences pour créer une culture originale, à côté de royaumes indiens qui survivent. Ou en Chine, la fin de la brillante dynastie Ming, à laquelle succéde bientôt la dernière dynastie chinoise, les Qing.

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Papyrus D'identité

  • : Horizons d'Aton - Beyt Kaaper
  • : Une demeure perdue quelque part entre rêve et réalité, dans les sables du désert égyptien ou sur les flots de la Méditerranée. Tournée vers l'horizon, les horizons divers... Les horizons de l'Est et de l'Ouest, comme disaient les anciens Egyptiens... Une demeure un peu folle, pour abriter des rêves un peu fous, des passions, des émotions, des coups de coeur...
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