Marguerite de Valois, plus connue sous le nom de reine Margot...
Parmi les femmes qui ont marqué l'histoire de France, Marguerite de Valois (1553-1615), plus connue sous le surnom de Margot, occupe sans aucun doute une place de premier plan. Bien avant l'heure, elle est une femme indépendante, qui assume ses goûts et ses choix, fait fi des règles étriquées ; dans une époque troublée, elle parvient à développer une culture brillante, à prendre des décisions que beaucoup d'hommes n'auraient pas eu le courage de prendre... Et ses rapports avec son époux, Henri de Navarre, devenu roi de France sous le nom d'Henri IV, sont extrêmement touchants et révèlent l'humanité des deux personnages : de l'inimitié farouche des débuts, ils en sont venus à un respect et une amitié sincères qui font honneur à l'héritière des Valois.
Dans ce portrait de Marguerite enfant transparaît déjà la détermination d'une femme de caractère.
Sa vie est un véritable roman, ponctué de drames et de grandeurs, mais surtout faite d'une volonté tenace de faire ses propres choix. Margot ne sera pas, autant que possible, le jouet que l'on aurait parfois voulu ; elle existe par elle-même, devançant de très loin ces femmes qui, beaucoup plus tard, sauront imposer à la société de reconnaître des droits fondamentaux. Il ne s'agit pas ici de retracer la vie de Margot, ni de prétendre tout dire à son sujet. Le personnage est trop fascinant et trop complexe pour cela. Mais plutôt de rendre hommage à cette femme qui sut faire de son destin, parfois cruel, un parcours d'exception. Dissiper aussi certaines idées reçues et autres rumeurs véhiculées par des historiens médiocres et des romanciers sur la base de calomnies ; certains ont eu du mal à pardonner à Margot d'être admirable tout en étant une femme, peut-être...
Sa mère Catherine de Médicis fut elle-même une femme qui dut s'imposer dans une période difficile ; c'est peut-être d'elle que Marguerite tient sa volonté.
Septième enfant du roi Henri II et de Catherine de Médicis, elle naît en 1553 au château de St-Germain-en-Laye. La figure féminine marquante de son enfance est sa mère Catherine, pour laquelle elle éprouve à la fois de la crainte et de l'admiration ; mais une chose est certaine : dans ces temps difficiles, sa mère lui montrera qu'une femme peut s'imposer dans un monde régi par les hommes, c'est sans doute la plus grande leçon qu'elle reçut de Catherine et qui marquera sa vie. Elle est très proche de ses frères, en particulier Alexandre ( qui deviendra Henri III ) et Hercule ( qui deviendra François, duc d'Alençon ) ; les mauvaises langues, aujourd'hui encore, parlent d'inceste : balivernes inventées pour salir la dynastie des Valois que des historiens peu scrupuleux se sont empressés de reprendre... Dans la réalité il n'en est rien ; sa vie durant, ses rapports avec ses frères seront faits d'amour et de haine, de trahisons et d'incompréhension, mais sûrement pas de ce qu'on a colporté injustement. Les Valois ont fait l'objet des rumeurs les plus insensées, et il est regrettable qu'on puisse encore les relayer ; de plus les femmes de l'histoire paient cher leur grandeur, souvent on les accable de on-dit les plus orduriers...
Son frère Hercule-François (1554-1584) , duc d'Alençon, pour lequel elle n'hésitera pas à prendre des risques.
Son frère Alexandre, qui deviendra roi sous le nom d'Henri III et avec lequel les rapports seront plus que tumultueux.
Henri de Guise (1550-1588), chef du parti catholique, qui passe pour avoir été son premier amour.
Marguerite est belle, ses contemporains s'accordent à ce sujet. Mais elle est également une princesse brillante et cultivée, imprégnée de la culture de la Renaissance ; elle a d'ailleurs beaucoup écrit et nous a laissé des poèmes et lettres qui permettent de mieux appréhender sa personnalité. On lui prête de nombreux amants, et là encore il faut être prudent ; mais il est vrai que Margot s'affirme tôt, dans le domaine de l'amour, comme une femme indépendante et libre de ses choix, privilège largement réservé aux hommes pour longtemps encore... Elle appréciera les plaisirs de la chair, mais sera également très imprégnée de la tradition des amours platoniques qui placent l'union des âmes au-dessus de l'union des corps. Il faut donc veiller à ne pas se méprendre sur ses relations amoureuses...
Henri de Navarre, avec lequel elle a passé une partie de sa jeunesse à la cour et qu'elle sera contrainte d'épouser.
Margot en 1571, à la veille de son mariage avec Henri.
Sa vie bascule lorsqu'elle devient un enjeu politique, ce qui est le destin de toute princesse de sang royal. Sa soeur Henriette a épousé le roi d'Espagne, sa soeur Claude Charles III de Lorraine. Difficile à comprendre aujourd'hui, mais les mariages princiers ne sont pas à l'époque une question d'amour, ce sont des unions politiques ; d'ailleurs, le mariage en général, dans toutes les couches de la société, n'est pas alors affaire d'amour mais de stratégie, on a trop tendance à l'oublier... Ce qui pose problème, ce n'est pas le mariage arrangé lui-même, mais le choix du futur époux : pour tenter de concilier catholiques et protestants, on décide de marier Margot à Henri de Navarre. La mère de ce dernier, Jeanne d'Albret, se montre négociatrice redoutable et ne cache pas son mépris pour la jeune princesse. Margot, pour la première fois, va faire preuve de son esprit rebelle : si elle se plie aux projets d'union malgré sa répulsion pour Henri, elle refuse l'exigence de sa future belle-mère de se convertir au protestantisme. Le mariage est célébré à Paris en août 1572 et sera suivi de l'horrible massacre de la St-Barthélémy. Là encore, Margot montre toute la mesure de son personnage ; catholique convaincue, elle n'en protège pas moins son époux... Alors qu'elle pourrait échapper à cette union au vu des événements, elle choisit de rester l'épouse d'Henri de Navarre. Leurs relations seront ainsi toute leur vie durant : pas d'amour ni même de proximité, mais un respect mutuel et une certaine forme d'amitié, chacun respectant la liberté de l'autre ; houleuses, certes, mais sans animosité profonde. Henri a de nombreuses maîtresses, Margot aura des amants... Elle assumera son goût pour les plaisirs presque autant que son royal époux, chose peu ordinaire pour une princesse de cette époque !
Louis de Bussy d'Amboise (1549-1579), l'un des amants de Marguerite.
Le château de Nérac où, épouse du roi de Navarre, elle parvient à rassembler une cour brillante.
En 1578, elle séjourne chez son époux au château de Nérac, où elle développe une cour brillante en s'entourant de lettrés et d'artistes : Agrippa d'Aubigné, Guy du Faur de Pibrac, Salluste du Bartas et même le grand Montaigne avec lequel elle nouera une véritable amitié. Au gré des événements et du rôle qu'elle y joue ou qu'on lui prête, ses relations avec sa famille se dégradent et son frère, devenu roi sous le nom d'Henri III, la fait emprisonner en 1586 au château d'Usson ; après les plaisirs de Nérac, les rigueurs de la captivité. Marguerite rédige ses Mémoires, lit beaucoup et reçoit des amis écrivains, en particulier Brantôme et Honoré d'Urfé. Elle ne quittera finalement Usson qu'en 1605...
Usson, en Auvergne, où Marguerite vécut exilée 19 ans dans la forteresse médiévale qui a été détruite plus tard par Richelieu.
Henri de Navarre monte sur le trône en 1589 sous le nom d'Henri IV. Pour asseoir sa position et assurer la descendance dynastique, il a besoin de faire annuler son mariage avec Marguerite. Celle-ci fait à nouveau preuve de son esprit frondeur : si l'idée d'être déliée de cette union et d'être enfin entièrement libre ne lui déplaît pas, elle refuse la perspective qu'Henri fasse annuler son mariage pour épouser sa maîtresse, Gabrielle d'Estrées. La mort de cette dernière apporte la solution et le mariage est annulé ; Henri épouse Marie de Médicis en 1600 et Margot est à présent une femme libre.
Pierre de Bourdeille, dit Brantôme (1549-1614), fut un de ses amis les plus fidèles et adoucira son séjour forcé à Usson.
On a tendance à oublier les dernières années de sa vie ; on oublie souvent, d'ailleurs, qu'elle vécut le début du XVIIe s. et contribua à la grandeur de la Renaissance finissante et à la naissance du "Grand Siècle". Elle revient à Paris en 1605 et s'y installe dans un magnifique hôtel construit rive gauche, face au Louvre. Comme autrefois à Nérac, elle y organise des fêtes somptueuses, y reçoit les grands esprits de son temps, comme Marie de Gournay, Etienne Pasquier, Mathurin Régnier, ou encore Théophile de Viau... Jusqu'au bout, Marguerite montre son intelligence autant que son indépendance d'esprit. Elle se liera d'amitié avec Marie de Médicis et fera de Louis XIII, fils d'Henri et de Marie, son héritier...
Marie de Gournay (1565-1645), femme de lettres, autre figure féminine étonnante de l'époque, qui fit partie des habitués de l'hôtel de Marguerite à Paris au début du XVIIe s.
Fascinante Marguerite, indomptable Margot, qui fut sans doute la plus brillante et la plus audacieuse des princesses françaises de la Renaissance. Une femme en fin de compte très moderne, qui a ouvert la voie à ces femmes du XVIIe s. qui n'ont pas voulu se contenter du rôle secondaire qui leur était assigné. Une femme de goût et une femme d'esprit à laquelle on rend hélas bien mal justice très souvent dans l'histoire officielle... Un personnage, en tout cas, que j'affectionne tout particulièrement.
Marguerite, la dernière des Valois-Angoulême, brillante princesse de la Renaissance française...
... mais aussi Margot l'insoumise, annonciatrice du rôle grandissant des femmes dans la culture du XVIIe s.
Il existe une foule d'ouvrages sur Marguerite de Valois, plus ou moins bons et plus ou moins fiables. Rien ne vaut cependant de faire sa connaissance à travers ses propres écrits, comme chaque fois que cela est possible ; vous pourrez trouver ses Mémoires et ses lettres sur le site Gallica de la BNF. Je vous conseille également de lire les lettres qui lui ont été écrites par Henri IV et qui reflètent la relation entre ces deux personnages. Par contre, je ne saurais que trop vous encourager à vous éloigner des élucubrations de Dumas et de celles du cinéma, où tous les clichés et calomnies sont hélas repris...