Plus encore que le patrimoine islamique, le patrimoine architectural chrétien de l'Egypte est très souvent ignoré des visiteurs et généralement laissé de côté par les circuits au profit des seuls monuments " pharaoniques ". C'est très dommage, car l'architecture chrétienne d'Egypte, comme sa pensée, a eu une influence considérable sur l'ensemble de la chrétienté, surtout occidentale ; ce sont en effet en partie les types coptes qui ont servi de modèles aux édifices paléochrétiens d'Occident, conjointement à l'introduction du monachisme. L'architecture copte ancienne influencera également l'architecture islamique en Egypte, avant d'être à son tour influencée en retour par l'architecture islamique. Nous commencerons par nous intéresser aux plans des églises paléochrétiennes coptes d'Egypte, ce qui nous permettra d'établir des parallèles par des passerelles vers d'autres rubriques de Beyt Kaaper. Ils diffèrent selon les époques et les régions, mais également en fonction du contexte de l'édifice : selon s'il s'agit d'une église monastique ou d'une église urbaine.
En Egypte comme ailleurs, le plan de base des églises paléochrétiennes est le plan basilical hérité de l'Antiquité romaine. Mais ses variantes sont nombreuses et donneront rapidement naissance à des types proprement égyptiens. C'est donc de ce plan et de ses variantes dont nous parlerons ici. Le plan central, si courant ailleurs et associé au culte des martyrs, est très rare en Egypte et se limite pratiquement au Delta, autour du VIe s. ; cet article ne le mentionnera donc pas.
Le plan basilical traditionnel à trois nefs, directement dérivé des modèles antiques, n'est étrangement pas le plus anciennement adopté par les chrétiens égyptiens ; il ne s'impose véritablement en Egypte qu'entre le Ve et le VIIe s. Il présente une large nef centrale flanquée de deux nefs latérales plus étroites. Le sanctuaire, placé dans l'axe de la nef centrale, est de forme soit semi-circulaire, soit rectangulaire ; il est en général flanqué de deux pièces latérales, les pastophoria, ce qui donne à l'extérieur un tracé quadrangulaire. En Moyenne- et Haute-Egypte, un rang de colonnes réunit souvent à l'ouest les deux nefs latérales, formant une travée qui précède la nef centrale.
Les églises de ce type sont nombreuses, et celles du Vieux Caire en sont de bons exemples. On peut citer également l'église funéraire du monastère d'Apa Bane à el-Minieh (VIe s.), les églises des Kellia (Ve-VIIe s.), de Kom Namrud (VIe s.), de Louqsor (VIe s.), du Monastère St-Jérémie de Saqqarah (VIe-VIIe s.), d'Umm el-Burigat (VIIe s.) et de Medinet Habu (VIIe s.).
Le plan basilical copte le plus ancien est le plan basilical à nef centrale et 4 nefs latérales ; c'est un type proprement égyptien qui se rencontre du IVe au VIe s., essentiellement en contexte provincial. Ici, la nef centrale est flanquée de chaque côté de deux nefs latérales marquées par deux rangs de colonnes, la plus éloignée de la nef centrale étant plus étroite et formant un déambulatoire. Une abside centrale se trouve à l'est dans l'axe de la nef principale. Cette dernière, de même que les deux nefs latérales qui la flanquent immédiatement, ont chacune à l'ouest un portail ouvrant sur l'extérieur. C'est à partir du milieu du Ve s. que ce type disparaît progressivement au profit du plan basilical traditionnel avec nef centrale et seulement deux nefs latérales.
A ce modèle appartiennent les églises d'Antinoopolis (Antinoe, IVe s.), Phbow (IVe-Ve s.), Medinat Madi (Narmuthis,Ve-VIe s.) et Armant (Hermonthis, VIe s.).
Les églises de plan basilical à transept sont vraisemblablement une importation byzantine. Elles se rencontrent aux Ve et VIe s. en contexte urbain. Ce type connaîtra peu d'extension, à vrai dire, et on le trouve essentiellement dans la région du Delta et en Moyenne-Egypte. L'espace est divisé en trois nefs par deux rangées de colonnes, large nef centrale et deux ailes latérales étroites, selon le principe basilical traditionnel ; en règle générale, les rangées de colonnes délimitant les trois nefs se poursuivent dans le transept. Celui-ci peut avoir des ailes quadrangulaires ou terminées en abside. Dans l'axe de la nef centrale se trouve une abside semi-circulaire et seule la nef centrale ouvre à l'ouest sur l'extérieur par un portail.
Parmi les églises de ce type, on peut citer celles d'el -Hawariyya (VIe s.) et d'el -Ashmuneyn (Hermopolis, Ve s.), ou encore le monastère d'Abu Mina (St-Menas, entre Alexandrie et le Wadi Natrun, Ve-VIe s.).
A partir du module de base du plan basilical se sont développées de nombreuses variantes, en particulier :
Le plan à abside triconque, qu'on rencontre essentiellement du Ve au VIIe s. , est l'une de ces évolutions du plan basilical traditionnel. Le sanctuaire, situé dans l'axe de la large nef centrale, est formé de 3 absides placées en trèfle, les absides latérales communiquant avec les pastophoria. Ce plan est surtout représenté en Moyenne-Egypte, à la fois en contexte urbain et dans les monastères.
On peut citer les églises du monastère Blanc et du monastère Rouge (près de Sohag, Ve s.), du monastère St-Pacôme (VIe s.), de Denderah (VIe s.), Deir el-Matmar (VIe s.) et Deir Abu Matta (VIe s.).
Le plan à khurus, marqué par l'adjonction d'un " choeur " (khurus), apparaît au VIIe s. comme une autre évolution du plan basilical. Il connaîtra une grande faveur en Egypte jusqu'au XIIe s. Le khurus vient s'interposer entre les nefs et le sanctuaire, marquant plus nettement la séparation entre l'espace destiné aux fidèles et celui réservé au clergé. De nombreuses églises de type basilical classique ont d'ailleurs été par la suite transformées pour recevoir un tel choeur.
On peut citer parmi les plus représentatives les églises des monastères de Sketis (VIIe-IXe s.), de 'Ayn Zaaf (oasis de Kharga, VIIe s.), de l'Archange Gabriel (Deir el-Naqlun, Fayyum, Xe-XIe s.) et St-Antoine (XIIe s.), ainsi que les églises d'Antinoopolis (VIIe s.), Manqabad (VIIe s.) et el-Hayz (VIIe-VIIIe s.).
Le plan à nefs voûtées apparaît enfin au Xe s. et modifie le type basilical avec la couverture des nefs par des voûtes et coupoles, et non plus en bois. En Basse-Egypte, une voûte en berceau vient couvrir la nef centrale et le khurus. En Haute-Egypte, la nef centrale est couverte par deux coupoles, tandis que les nefs latérales sont couvertes de voûtes en berceau ; au XIIe s. , une évolution les remplace par un grand dôme unique couvrant le naos.
Pour ce type, on peut citer les églises des monastères d'el-Kubbaniyya (Xe-XIe s.), St-Siméon d'Aswân (Xe-XIe s.), des Martyrs (Deir esh-Shuhada, près de Sohag, XIe-XIIe s.) et St-Victor de Naqada (XIIe s.).
Nous aurons l'occasions de revenir plus longuement dans des articles ultérieurs sur certains de ces édifices, tant pour leur richesse artistique que pour ce qu'ils représentent pour le christianisme d'Orient. Dans d'autres horizons non égyptiens, nous évoquerons également des exemples d'édifices paléochrétiens de plan basilical d'autres régions de la chrétienté dont vous pourrez constater la parenté, et les différences, avec les modèles égyptiens.