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13 juillet 2014 7 13 /07 /juillet /2014 07:26

Nous terminerons notre visite virtuelle du monastère St-Siméon d'Aswan par les vestiges de la terrasse haute, qui a sa propre porte d'accès dans l'enceinte par une tour ; on peut aussi y accéder depuis la terrasse inférieure par un  escalier placé contre le mur nord de l'église.  Cette terrasse est occupée par l'habitation fortifiée des moines (qasr) et ses dépendances.

 

 

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    Plan de la terrasse supérieure : 1- entrée fortifiée ; 2- écuries ; 3- atelier pour le sel ; 4- huilerie ; 5- fours de potier ; 6- cuve de décantation de l'eau ; 7- latrines ; 8- pressoir à vin ; 9- corridor ; 10- réfectoire ; 11- cuisines ; 12- cellules des moines ; 13- escalier menant à la terrasse inférieure. 


Habituellement, les monastères comprenaient une partie fortifiée, sorte de donjon dans lequel les moines se réfugiaient en cas de danger. Ici, l'habitat fortifié servait d'habitat permanent. C'était un bâtiment de trois étages comprenant les cellules des moines, un réfectoire, des cuisines et des ateliers.

 

 

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    Le réfectoire. 

 


Au rez-de-chaussée se trouve le réfectoire, une vaste pièce rectangulaire qui était divisée par quatre colonnes qui supportaient un plafond formé de deux rangées de coupoles sur pendentifs ; le sol est pavé de briques cuites, tandis que sept cercles de briques crues correspondent aux sièges sur lesquels les moines prenaient place pour leurs repas en commun. A l'ouest du réfectoire se trouvent les cuisines, avec leur réservoir d'eau. Le réfectoire donne sur le côté nord-ouest d'un vaste corridor.

 

 

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  Le corridor voûté et ses trois fenêtres. 

 


Ce corridor, d'orientation nord-sud, s'appuie contre le rempart extérieur. Il a conservé une partie de son plafond voûté en plein cintre renforcé par des arcs doubleaux. Trois petites fenêtres cintrées lui donnent de la lumière. Ce couloir dessert les cellules des moines. Chaque cellule comprend entre deux et six couchettes de pierre aménagées contre les murs, ce qui indique que plusieur moines logeaient dans une même cellule.

 

 

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    Vestiges d'une cellule, avec ses banquettes de pierre. 


Bien qu'on n'ait pas retrouvé de puits, le monastère bénéficiait quand même de réserves d'eau grâce à des réservoirs, un système de tuyauterie venant alimenter les bains et les latrines, aménagés au sud-est de la terrasse. Ces réserves ne suffisaient pas en cas de siège, ce qui fut le principal problème de ce monastère.

En dehors du logis des moines, la terrasse comprend de nombreuses dépendances. A côté de l'entrée se développent des écuries. On trouve également une pièce réservée au sel, un pressoir à vin et un pressoir à huile, une boulangerie avec son moulin, des magasins, ainsi que des fours de potier. Plusieurs fours à pain ont été retrouvés sur les deux terrasses. L'huilerie a conservé une belle meule de granit ornée de trois croix.

 

 

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  La meule de granit de l'huilerie. 

 


Enfin, le cimetière du monastère, à l'extérieur de l'enceinte, a livré près de 200 pierres tombales, dont beaucoup remontent à une période comprise entre le VIe et le IXe s. ; leurs inscriptions sont particulièrement intéressantes et fournissent aux chercheurs des informations précieuses.

 


Photos tour-egypt .


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10 juillet 2014 4 10 /07 /juillet /2014 12:23

Après avoir brossé l' histoire générale de ce monument, il est temps d'évoquer ce qu'on peut y voir. Nous commencerons par l'église.

 


 

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Localisation de l'église à l'intérieur du monastère.   

 


 

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    Vestiges de l'église du monastère St-Siméon : au centre, le sanctuaire précédé de son khurus ; sur les côtés, le prolongement des collatéraux voûtés en plein cintre. 

 

 

C'est sur la terrasse inférieure  que se trouvent les grottes dans lesquelles vécurent les premiers moines, l'église et le dortoir pour les pélerins. La porte d'entrée de cette terrasse s'ouvre par une tour en saillie sur le mur oriental de l'enceinte ; l'entrée se fait sur le côté sud de la tour, en chicane, en passant sous une voûte en plein cintre.

 

 

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Plan de l'église. 

 


L'église fut construite au Xe - XIe s. et il n'en subsiste que des ruines, toutefois superbes. Elle correspond au type d'église oblongue à coupole, qui s'élabore en Egypte à l'époque fâtimide (milieu Xe - fin XIe s.). L'édifice est orienté, c'est-à-dire que le chevet se trouve à l'est, donc face à l'entrée de la terrasse ; à l'ouest, l'église s'appuie contre le ressaut naturel séparant les deux terrasses. L'église est formée d'une large nef centrale flanquée de deux nefs latérales plus étroites, selon le plan basilical issu de l'Antiquité tardive repris en Egypte à partir du VIe s. Deux grandes coupoles1 venaient couvrir les deux travées de la nef centrale, reposant sur une série de piliers ; cette couverture de la nef centrale par des coupoles est caractéristique de la Haute-Egypte à partir des Xe-XIe s. Elément inhabituel du plan, les nefs latérales se terminent à l'est par une pièce qui longe le sanctuaire ; celle qui se trouve à l'extrémité du collatéral2 sud servait de baptistère. Autre trait inhabituel, le sanctuaire avait à l'origine une entrée du côté est, condamnée par la suite. L'entrée ne pouvant se faire, selon la tradition, du côté ouest, deux entrées sont pratiquées dans les nefs latérales, au nord et au sud. Une grotte se trouve à l'extrémité ouest du collatéral nord, creusée dans la paroi séparant les terrasses ; il s'agit d'une ancienne tombe antique réutilisée comme habitat par les premiers moines ; elle passe pour avoir servi d'abri à Anba Hatre lui-même. Le sanctuaire3 offre un plan original : l'abside centrale est précédée d'un khurus (choeur), aménagement caractéristique de l'architecture copte séparant le sanctuaire de la partie réservée aux fidèles ; le khurus est ici constitué par une travée4 couverte d'un dôme ouvrant sur deux absides latérales nord et sud, formant avec le sanctuaire un plan cruciforme ; ces trois parties sont à l'intérieur aménagées en cul-de-four5, dessinant un sanctuaire tréflé. Cette forme tréflée, ou triconque, est apparue au VIe s. et vient de Moyenne-Egypte.

 

 

 

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    La fresque du Christ en majesté. 

 

 

Des peintures murales étaient conservées dans les ruines de cette église. Hélas, elles ont aujourd'hui beaucoup souffert ou même été détruites. Elles dateraient pour l'essentiel du XIe ou XIIe s. On a également repéré, en particulier dans la grande abside, des vestiges de peintures plus anciennes sous les enduits peints actuellement visibles. L'une des peintures les mieux conservées représente le Christ en Majesté6, trônant dans une mandorle7, entre la lune et le soleil, selon l'iconographie traditionnelle ; sa main droite sort du cadre de la mandorle pour effectuer le geste de bénédiction. De chaque côté se tiennent deux grands anges, et, à droite, un orant8 au nimbe carré9.

 

 

simeon12.jpg

    Détail du plafond de la grotte. 

 

La grotte nord-ouest est également ornée de peintures, qui pourraient remonter au VIe ou VIIe s. A l'origine, les parois latérales étaient peintes de 36 personnages disposés en un seul registre ; ils ont quasiment disparu. Par contre, le plafond conserve un superbe décor de figures géométriques polychromes entre lesquelles apparaissent, dans de petits cadres octogonaux, des personnages en buste.

 

 

Bandeau de croix coptes

 

 

 

Notes explicatives :


1- Il est important de faire la différence entre dôme et coupole : le dôme est la partie extérieure à l'édifice, la coupole la partie intérieure. Un même élément architectural avec deux noms différents selon si on considère sa partie extérieure ou intérieure, en somme.

2- Collatéral : synonyme de nef latérale en architecture religieuse.

3- Sanctuaire : dans une église, on appelle sanctuaire la partie la plus sacrée, celle où est célébrée le culte. Elle correspond en général au choeur et à ses dépendances. Même distinction dans les temples antiques, d'ailleurs, qu'ils soient égyptiens, grecs ou romains : le sanctuaire ("naos" en grec, "adyton" dans les temples gréco-romains d'Orient, "cella" en latin) est la partie où se trouve la statue du dieu, où son culte est célébré par les prêtres hors du regard des fidèles. Dans l'architecture copte, le khurus, qu'on traduit souvent par "choeur", vient s'intercaler entre la nef, réservée aux fidèles, et le sanctuaire proprement dit, en général l'abside centrale, dans lequel le culte est célébré ; en effet, selon la tradition des églises orientales, la célébration du culte est en grande partie cachée aux fidèles, conformément à l'héritage antique.

4- Travée : en architecture religieuse, chaque portion d'une voûte comprise entre deux arcs.

5- Cul-de-four : forme de voûtement correspondant à une demie coupole en plein cintre, comme les anciens fours à pain.

6- En majesté (Christ ou Vierge - ) : motif traditionnel de l'iconographie chrétienne représentant le Christ ou la Vierge assis sur un trône, comme un souverain, avec un certain nombre d'attributs.

7- Mandorle : cadre en forme d'amande. Elle sert à distinguer les personnages les plus saints "en majesté" , comme le Christ ou la Vierge.

8- Orant : personnage en prière. Dans l'iconographie paléochrétienne et orientale, l'orant est représenté debout les deux mains levées, alors que l'iconographie occidentale médiévale  adoptera le motif de l'orant agenouillé les mains jointes. 

9- Nimbe carré : le nimbe est aussi appelé "auréole" et indique un saint. Le nimbe circulaire est réservé aux personnages saints morts, se trouvant au Paradis, alors que le nimbe carré distingue un saint encore vivant. Ce motif est surtout utilisé en contexte byzantin et oriental.

 

Photos Touregypt .

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9 juillet 2014 3 09 /07 /juillet /2014 07:06

Je souhaiterais consacrer une série de trois articles à un lieu qui m'a fasciné lors de mon premier voyage en Egypte, bien que je n'ai fait que l'apercevoir de loin depuis le désert lors d'une promenade en dromadaire. Il mérite de prendre le temps d'aller le voir lors d'un séjour à Aswan, ce que j'espère pouvoir faire un jour. Nous commencerons par une présentation générale du site, avant d'évoquer ses monuments majeurs dans les deux prochains articles : son église et les monuments de la terrasse haute.

 

 

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Le monastère St-Siméon (Deir Anba Sim'an) se situe à Aswan, sur la rive occidentale, à un peu plus d'un kilomètre des rives du Nil, dans un paysage désertique. Le nom de St-Siméon lui fut donné par les voyageurs et archéologues, mais les sources coptes et arabes le mentionnent sous le nom de Deir Anba Hatre, du nom d'un anachorète qui fut évêque de Syène (nom antique d'Aswan) à la fin du IVe s. Selon la tradition, juste après son mariage à l'âge de 18 ans, Hatre croisa un cortège funéraire qui lui inspira de garder sa chasteté ; puis il devint disciple de st Baiman. Après huit années de pratiques ascétiques auprès de son maître, il se retira au désert et se consacra à l'étude de la vie de st Antoine. Il mourut sous le règne de Théodose I, à la fin du IVe s.

 

A vrai dire, le site a pour l'instant semble-t-il peu retenu l'attention des archéologues. Grossmann l'étudia et lui consacra une publication en 1985 ; en 1998, des inspecteurs des Antiquités vinrent étudier et prélever quelques vestiges dans l'ancienne chapelle. Mais c'est à peu près tout. Il fut pourtant un des monastères les plus importants d'Egypte, comptant jusqu'à 1000 moines.

 

 

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On ne sait pas si Anba Hatre y fonda déjà un monastère. En tout cas, un monastère est attesté aux VIe-VIIe s., si on en croit la datation des peintures murales conservées dans des grottes. Dans la première moitié du XIe s., le monastère connaît une grande activité et d'importants bâtiments sont construits. Abu al-Makarim, historien et voyageur du XIIe s., parle d'un lieu occupé par des moines. En 1173, il subit une attaque des troupes de Salah ed-Din menant une expédition en Nubie et est gravement endommagé. A la fin du XIIIe s. , le monastère est totalement abandonné, tant à cause du manque d'eau qu'en raison des attaques des pillards du désert.

 

      

Le monastère est en ruines, mais de nombreuses structures sont bien conservées. Il présente un intérêt architectural certain. Sa chapelle est un des plus beaux exemples d'église oblongue à coupole d'Egypte. La tour servant de résidence, ou donjon, est l'exemple le plus abouti. Les nombreuses sépultures du cimetière du monastère sont une intéressante source d'information sur les tombes de la période paléochrétienne. Le four de potier s'est également révélé très instructif sur les céramiques archaïques d'Aswan.

 

 

simeon16.jpg

Plan d'ensemble : en vert, la terrasse inférieure, avec sa porte (3) et son église (2) ;

en gris, la terrasse supérieure avec sa propre porte (1).   

 

Un escarpement sépare le monastère en deux terrasses naturelles. Un mur d'enceinte trapézoïdal d'environ 6m à 8m de haut entoure le complexe, qui couvre à peu près un hectare ; deux portes donnent accès à chacune des deux terrasses. Ce mur d'enceinte, formé dans sa partie basse de pierre et dans sa partie haute de briques crues, était renforcé par des tours et des postes de guet. Sur certaines portions au moins, le mur devait à l'origine atteindre une hauteur de 10m, seules les pierres ayant résisté au temps. La couleur ocre des briques contribue à harmoniser l'ensemble avec le désert environnant, créant une impression d'une grande beauté.

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25 avril 2011 1 25 /04 /avril /2011 13:47

Puisque c'est aujourd'hui la fête de Shamm en-Neseem, dont nous avions déjà parlé et qui mieux que toute autre symbolise à la fois l'unité du peuple égyptien et les liens conservés avec son lointain passé, prenons le temps d'évoquer ces chrétiens d'Egypte dont on parle si peu dans la plupart des médias. Les coptes ont participé à la récente révolution égyptienne et, suite aux débordements de certains extrémistes, des manifestations ont plusieurs fois réuni coptes et musulmans pour affirmer la volonté de vivre ensemble pacifiquement. Comme de nombreuses minorités chrétiennes du Mashreq, les coptes d'Egypte sont partagés entre un grand espoir dans les changements à venir et la crainte que des radicaux ne les prennent pour cible. Il faut bien entendu se garder de tout raccourci comme le font parfois les médias occidentaux, mais en même temps ne pas nier ou dissimuler certains faits. En Moyenne Egypte, où se trouvent de nombreux coptes depuis la conquête ottomane, ils ont été récemment victimes de violences inquiétantes. Ajoutons que de nombreux coptes sont partis depuis longtemps en exil, malgré leur attachement à leur pays, et que la situation semble encore trop préoccupante pour que beaucoup songent à regagner l'Egypte comme ils l'espéraient.

 

 

Shenouda III

Shenouda III, pape des coptes orthodoxes d'Egypte (photo Tasbeha).

 

 

Souhaitons à nos amis égytiens d'obtenir rapidement et tous ensemble cette liberté pour laquelle ils se sont battus, et de parvenir à opposer à la minorité d'extrémistes qui seraient tentés de semer la discorde l'esprit d'unité dont témoigne Shamm en-Neseem.

 

Afin de montrer l'état d'esprit de la communauté copte d'Egypte, j'ai trouvé intéressant de vous traduire un communiqué publié le 15 février dernier par Sa Sainteté le pape Shenouda III. En plus de son contenu proprement dit, elle me semble refléter entre les lignes les interrogations et la situation des coptes.

 

  En-tête du pape copte 

 

" L'Eglise Copte salue l'honnête jeunesse égyptienne, la jeunesse du 25 Janvier, qui a guidé l'Egypte dans une révolution forte et pacifique, durant laquelle un sang précieux a été versé, le sang des martyrs de la nation qui ont été honorés par les dirigeants et l'armée de l'Egypte, et aussi honorés par le peuple tout entier et nous-mêmes. Nous présentons nos condoléances à leurs familles et parents.

 

L'Eglise Copte rend hommage à la courageuse armée égyptienne, et rend aussi hommage au Conseil Suprême des Forces Armées pour les déclarations officielles publiées concernant la sécurité de l'Egypte tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Nous soutenons sa décision de dissoudre l'Assemblée du Peuple et le Conseil (consultatif) de la Shura, et son appel pour que la sécurité règne.

 

Nous croyons tous que l'Egypte doit être une nation démocratique et civile, choisissant les membres de son parlement à travers des élections libres et honnêtes, ayant des représentants de toutes les facettes du peuple. Nous soutenons l'ensemble de l'Egypte dans sa lutte contre la pauvreté, la corruption et le chômage, résistant à l'anarchie et à la destruction, pour l'instauration de la sécurité et de la sûreté, les principes de la justice sociale, et l'unité de la nation, et la réduction des personnes corrompues et dans l'illégalité. Et l'Eglise Copte prie pour la grande Egypte, qui a une histoire glorieuse et une antique civilisation, et nous espérons que le Seigneur gardera l'Egypte et y répandra le calme, la stabilité, la sécurité et la prospérité.

 

S. S. le Pape Shenouda III

Pape d'Alexandrie et Patriarche du Siège de St Marc

Chef du St Synode de l'Eglise Copte Orthodoxe "

 

 

Sources :

 

Site officiel de S. S. le Pape Shenouda III, avec le texte de la déclaration en arabe.

Le site copte Tasbeha, avec le texte de la déclaration en arabe et en anglais.

 

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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 08:01

Plus encore que le patrimoine islamique, le patrimoine architectural chrétien de l'Egypte est très souvent ignoré des visiteurs et généralement laissé de côté par les circuits au profit des seuls monuments " pharaoniques ". C'est très dommage, car l'architecture chrétienne d'Egypte, comme sa pensée, a eu une influence considérable sur l'ensemble de la chrétienté, surtout occidentale ; ce sont en effet en partie les types coptes qui ont servi de modèles aux édifices paléochrétiens d'Occident, conjointement à l'introduction du monachisme. L'architecture copte ancienne influencera également l'architecture islamique en Egypte, avant d'être à son tour influencée en retour par l'architecture islamique. Nous commencerons par nous intéresser aux plans des églises paléochrétiennes coptes d'Egypte, ce qui nous permettra d'établir des parallèles par des passerelles vers d'autres rubriques de Beyt Kaaper. Ils diffèrent selon les époques et les régions, mais également en fonction du contexte de l'édifice : selon s'il s'agit d'une église monastique ou d'une église urbaine.

 

En Egypte comme ailleurs, le plan de base des églises paléochrétiennes est le plan basilical hérité de l'Antiquité romaine. Mais ses variantes sont nombreuses et donneront rapidement naissance à des types proprement égyptiens. C'est donc de ce plan et de ses variantes dont nous parlerons ici. Le plan central, si courant ailleurs et associé au culte des martyrs, est très rare en Egypte et se limite pratiquement au Delta, autour du VIe s. ; cet article ne le mentionnera donc pas.

 

plan basilical 3 nefs Le plan basilical traditionnel à trois nefs, directement dérivé des modèles antiques, n'est étrangement pas le plus anciennement adopté par les chrétiens égyptiens ; il ne s'impose véritablement en Egypte qu'entre le Ve et le VIIe s. Il présente une large nef centrale flanquée de deux nefs latérales plus étroites. Le sanctuaire, placé dans l'axe de la nef centrale, est de forme soit semi-circulaire, soit rectangulaire ; il est en général flanqué de deux pièces latérales, les pastophoria, ce qui donne à l'extérieur un tracé quadrangulaire. En Moyenne- et Haute-Egypte, un rang de colonnes réunit souvent à l'ouest les deux nefs latérales, formant une travée qui précède la nef centrale.

Les églises de ce type sont nombreuses, et celles du Vieux Caire en sont de bons exemples. On peut citer également l'église funéraire du monastère d'Apa Bane à el-Minieh (VIe s.), les églises des Kellia (Ve-VIIe s.), de Kom Namrud (VIe s.), de Louqsor (VIe s.), du Monastère St-Jérémie de Saqqarah (VIe-VIIe s.), d'Umm el-Burigat (VIIe s.) et de Medinet Habu (VIIe s.).

 

 

 

plan basilical 5 nefsLe plan basilical copte le plus ancien est le plan basilical à nef centrale et 4 nefs latérales ; c'est un type proprement égyptien qui se rencontre du IVe au VIe s., essentiellement en contexte provincial. Ici, la nef centrale est flanquée de chaque côté de deux nefs latérales marquées par deux rangs de colonnes, la plus éloignée de la nef centrale étant plus étroite et formant un déambulatoire. Une abside centrale se trouve à l'est dans l'axe de la nef principale. Cette dernière, de même que les deux nefs latérales qui la flanquent immédiatement, ont chacune à l'ouest un portail ouvrant sur l'extérieur. C'est à partir du milieu du Ve s. que ce type disparaît progressivement au profit du plan basilical traditionnel avec nef centrale et seulement deux nefs latérales.

A ce modèle appartiennent les églises d'Antinoopolis (Antinoe, IVe s.), Phbow (IVe-Ve s.), Medinat Madi (Narmuthis,Ve-VIe s.) et Armant (Hermonthis, VIe s.).

 

 

plan basilical transept Les églises de plan basilical à transept sont vraisemblablement une importation byzantine. Elles se rencontrent aux Ve et VIe s. en contexte urbain. Ce type connaîtra peu d'extension, à vrai dire, et on le trouve essentiellement dans la région du Delta et en Moyenne-Egypte. L'espace est divisé en trois nefs par deux rangées de colonnes, large nef centrale et deux ailes latérales étroites, selon le principe basilical traditionnel ; en règle générale, les rangées de colonnes délimitant les trois nefs se poursuivent dans le transept. Celui-ci peut avoir des ailes quadrangulaires ou terminées en abside. Dans l'axe de la nef centrale se trouve une abside semi-circulaire et seule la nef centrale ouvre à l'ouest sur l'extérieur par un portail.

Parmi les églises de ce type, on peut citer celles d'el -Hawariyya (VIe s.) et d'el -Ashmuneyn (Hermopolis, Ve s.), ou encore le monastère d'Abu Mina (St-Menas, entre Alexandrie et le Wadi Natrun, Ve-VIe s.).



A partir du module de base du plan basilical se sont développées de nombreuses variantes, en particulier :

 

 

plan abside triconque Le plan à abside triconque, qu'on rencontre essentiellement du Ve au VIIe s. , est l'une de ces évolutions du plan basilical traditionnel. Le sanctuaire, situé dans l'axe de la large nef centrale, est formé de 3 absides placées en trèfle, les absides latérales communiquant avec les pastophoria. Ce plan est surtout représenté en Moyenne-Egypte, à la fois en contexte urbain et dans les monastères.

On peut citer les églises du monastère Blanc et du monastère Rouge (près de Sohag, Ve s.), du monastère St-Pacôme (VIe s.), de Denderah (VIe s.), Deir el-Matmar (VIe s.) et Deir Abu Matta (VIe s.).



 

plan khurus

Le plan à khurus, marqué par l'adjonction d'un " choeur " (khurus), apparaît au VIIe s. comme une autre évolution du plan basilical. Il connaîtra une grande faveur en Egypte jusqu'au XIIe s. Le khurus vient s'interposer entre les nefs et le sanctuaire, marquant plus nettement la séparation entre l'espace destiné aux fidèles et celui réservé au clergé. De nombreuses églises de type basilical classique ont d'ailleurs été par la suite transformées pour recevoir un tel choeur.

On peut citer parmi les plus représentatives les églises des monastères de Sketis (VIIe-IXe s.), de 'Ayn Zaaf (oasis de Kharga, VIIe s.), de l'Archange Gabriel (Deir el-Naqlun, Fayyum, Xe-XIe s.) et St-Antoine (XIIe s.), ainsi que les églises d'Antinoopolis (VIIe s.), Manqabad (VIIe s.) et el-Hayz (VIIe-VIIIe s.).



 

plan nefs voutees

Le plan à nefs voûtées apparaît enfin au Xe s. et modifie le type basilical avec la couverture des nefs par des voûtes et coupoles, et non plus en bois. En Basse-Egypte, une voûte en berceau vient couvrir la nef centrale et le khurus. En Haute-Egypte, la nef centrale est couverte par deux coupoles, tandis que les nefs latérales sont couvertes de voûtes en berceau ; au XIIe s. , une évolution les remplace par un grand dôme unique couvrant le naos.

Pour ce type, on peut citer les églises des monastères d'el-Kubbaniyya (Xe-XIe s.), St-Siméon d'Aswân (Xe-XIe s.), des Martyrs (Deir esh-Shuhada, près de Sohag, XIe-XIIe s.) et St-Victor de Naqada (XIIe s.).

 

 

 

Nous aurons l'occasions de revenir plus longuement dans des articles ultérieurs sur certains de ces édifices, tant pour leur richesse artistique que pour ce qu'ils représentent pour le christianisme d'Orient. Dans d'autres horizons non égyptiens, nous évoquerons également des exemples d'édifices paléochrétiens de plan basilical d'autres régions de la chrétienté dont vous pourrez constater la parenté, et les différences, avec les modèles égyptiens.

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20 avril 2009 1 20 /04 /avril /2009 17:30

Ce lundi, qui suit la Pâque copte, est en Egypte le jour de la fête de Shamm en-neseem1 (en arabe شَمّ ألنسيم ). C'est un jour férié pour tous les Egyptiens, chrétiens comme musulmans ; la fête est mobile, puisqu'elle suit immédiatement la Pâque copte, qui l'est elle aussi. Le verbe arabe shamma signifie « sentir », et en-neseem signifie « la brise ». Cette fête traditionnelle remonterait à l'Antiquité égyptienne et est liée aux anciennes fêtes du printemps ; la christianisation a rattaché la célébration de la fertilité aux fêtes de la Pâque.



La saison de Shemu était pour les anciens Egyptiens celle des récoltes et était donc l'occasion de fêtes de la fertilité ; le nom de la fête actuelle viendrait de celui de cette antique saison. (Temple de Deir el-Bahari, et en haut les hiéroglyphes de Shemu).


A l'occasion de Shamm en-neseem, les familles égyptiennes ont pour habitude, en particulier au Caire et à Alexandrie, d'aller pique-niquer et se promener dans les espaces verts de la ville ; ou à la campagne sur les rives du Nil. Un certain nombre d'aliments spécifiques sont préparés pour ce repas, à chacun étant attachée une valeur symbolique, dont l'essentiel viendrait de l'Egypte antique :

 

 - les oeufs colorés, que nous avions  précédemment évoqués ; pour les anciens Egyptiens, l'oeuf représentait la régénération et le rappel des origines de la vie ;
 
- le fiseekh2 ( en arabe فسيخ ), du poisson fermenté et salé ; le poisson séché était synonyme d'abondance et de fertilité, et les poissons font partie des offrandes rituelles que l'on voit représentées ; 

- de jeunes oignons ;  l'oignon, aliment courant dans l'Egypte antique, était déjà associé aux festivités du printemps et faisait partie des offrandes faites aux dieux, plus particulièrement à Amon-Min ; selon les Egyptiens d'aujourd'hui il éloigne le mal ;


- des graines de lupin ( en arabe تِرمِس , termis ), déjà consommés dans l'Egypte antique, qui font partie des aliments particulièrement appréciés non seulement au Mashreq, mais plus généralement sur tout le pourtour méditerranéen ; leur forme peut évoquer la prospérité ; 

- et de la laitue3 ( en arabe خَسّ , khass ) ; elle était offerte aux divinités et était associée à Amon-Min ; elle serait un symbole de bon augure de la nature renaissante à l'occasion du printemps. Sur cette illustration, vous voyez des représentations de laitues trouvées lors des fouilles de Deir el-Medineh.



 

Scènes d'offrandes de laitues au dieu Amon-Min, sur lesquelles on reconnaît la variété "romaine".

Selon certains, ces traditions seraient à rapprocher d'une ancienne fête qui avait lieu dans l'Antiquité au moment du début de la saison de Shemu4, qui était celle des récoltes. Il s'agissait donc de célébrations de fertilité agraire liées à l'équinoxe de printemps5, symboliquement associée à la création du monde. Une fête antique qui remonterait aussi loin que l'Ancien Empire. Plutarque, à l'époque romaine, mentionne qu'à cette occasion les Egyptiens offraient aux dieux du poisson salé, des oignons et de la laitue.


Une fête qui, par-delà les millénaires, aurait traversé toutes les vicissitudes de l'histoire. Qui, au-delà des différences religieuses, réunit tout un peuple dans la célébration d'un patrimoine commun. Avouons que, dans une période houleuse comme celle que nous vivons, c'est également un beau symbole, vous ne trouvez pas ? 

 

 

Notes :


1- Transcrit souvent sham el-nessim, ou encore sham el-nisseem, sham el-niseem... La transcription adoptée dans l'article est celle qui correspond à la translittération de l'arabe égyptien.

2- Nom arabe d'une variété de mulet ( Mugil Cephalus ), le mulet à tête plate ou mulet gris ; mais les Egyptiens utilisent aussi de l'anchois, de la sardine ou du maquereau.

3- La variété de laitue cultivée et consommée au Mashreq est celle que nous appelons la « romaine » ( lactuca sativa longifolia ), aux feuilles allongées, déjà représentée sur les reliefs antiques.

4- Pour certains, c'est le nom « Shemu » de la saison égyptienne qui, par l'intermédiaire du copte, serait à l'origine du nom de la fête par rapprochement avec le verbe arabe « shamma ».

5- Lors de la christianisation, l'idée de renaissance a été associée à la Résurrection et donc la date déplacée vers celle des fêtes de Pâque.

 

Liens :


Vous trouverez sur le net de nombreuses photos de cette fête, je vous laisse le soin de vous promener. Néanmoins, je vous conseillerai quelques références :

- un
article de Heba Fatteen Bizzari sur Touregypt (angl.)
- un
article consacrée à cette fête sur le blog de mon amie Anne-Marie, qui vit en Egypte (fr.).
- parmi les voyageurs qui ont parlé de cette fête, vous en trouverez en particulier mention chez le Britannique que nous avions déjà rencontré au sujet des Ghawazy :  Edward William Lane, Manners and Customs of the Modern Egyptians (1834)

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25 avril 2008 5 25 /04 /avril /2008 06:57




C'est aujourd'hui le Vendredi Saint pour les coptes orthodoxes égyptiens. Depuis dimanche dernier, avec le dimanche des Rameaux (20 avril 2008, en calendrier copte 12 Baramoudah 1724 ), les coptes orthodoxes d'Egypte sont entrés dans la Semaine Sainte. En effet, Pascha ( prononcer " Paska " ), la Pâque copte, est comme chez les catholiques une fête mobile : elle prend en principe place le 2e dimanche suivant la première pleine lune de printemps.




La croix copte, avec ses quatre branches égales et ses inscriptions.



Cette fête est précédée d'un jêune de 50 jours, appelé Grand Jeûne, qui, vous allez le voir, rappelle le Ramadan musulman. Après une période de 10 jours de jeûne préparatoire, on observe un jeûne de 40 jours rappelant le retrait du Christ au désert. Durant toute cette période, il est interdit de consommer tout produit d'origine animale (viande, poisson, oeufs, beurre, lait, etc.), les aliments devant être cuisinés avec de l'eau ou de l'huile, et on doit en principe s'abstenir de toute relation sexuelle. Chez les religieux et les familles les plus pieuses, une abstinence totale de nourriture et de boisson est observée entre minuit et le coucher du soleil, ou entre minuit et midi (heure à laquelle le Christ est crucifié) ou 15h00 (heure à laquelle le Christ meurt sur la croix). C'est le plus strict des jeûnes du calendrier copte, qui en compte de nombreux. Le Samedi Saint est le seul samedi de l'année durant lequel le jeûne n'est pas levé.




Les Rameaux vus par une icône copte contemporaine.


Comme chez les autres chrétiens, la Semaine Sainte débute par le dimanche des Rameaux. Le clergé effectue alors une procession dans la nef principale de l'église, marquant des stations devant certaines icônes (la Vierge, les archanges, St Jean-Baptiste, les Apôtres, etc.), devant les fonts baptismaux et à la porte de l'édifice. Puis il rejoint le sanctuaire, qui n'est pas accessible aux fidèles et dont il est séparé par l'iconostase.




La Cène, institution de l'eucharistie, vue par une icône copte ; sur la gauche, Judas se pend.




Le Jeudi Saint, qui commémore l'établissement du rituel de l'Eucharistie, est le seul jour de cette semaine durant lequel on célèbre l'eucharistie. On procède également à la cérémonie du lavement des pieds, en commémoration du dernier repas du Christ, et on récite un hymne évoquant la trahison de Judas.



La Crucifixion, selon une icône copte contemporaine.


Le Vendredi Saint est marqué par des prières, dont la dernière, qui se termine vers 18h00, marque la rupture de l'abstinence totale de nourriture et de boisson ce jour-là.



Une icône copte représentant la Résurrection, entourée des scènes de la Passion du Christ et des inscriptions en copte et en arabe.



Le dimanche est célébrée la Pâque, qui marque le début de réjouissances durant jusqu'à la Pentecôte, célébrée cette année chez les coptes le 15 juin. Cette année, Pascha tombe le 27 avril - 19 Baramoudah 1724 dans le calendrier copte. On peut être surpris, mais la liturgie est en partie célébrée en copte, en partie en arabe, et les sermons sont prononcés en arabe égyptien.


Enfin, au lundi de Pâques catholique correspond chez les coptes d'Egypte la fête de Sham en-Nessîm, ou fête du Printemps, dont les origines remonteraient à l'époque pharaonique. C'est un jour férié pour tous les Egyptiens, qu'ils soient coptes ou musulmans. Mais nous reparlerons de cette fête particulière lundi.



Un exemple de carte de voeux de Pâque copte ; on utilise la même formule que les musulmans : koll sana w enta Tayyeb.


Bonne fête de Pâque à nos amis coptes égyptiens !

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6 mars 2008 4 06 /03 /mars /2008 10:40

Cassien (en latin Cassianus ) 1 n'est pas reconnu comme saint par l'Eglise catholique - il est cependant considéré comme un saint dans la tradition provençale ; il figure par contre parmi les saints de l'Eglise orthodoxe. C'est pourtant lui qui est considéré comme l'introducteur du cénobitisme2 en Occident, dès le Ve s. , bien que des premières formes de " monastères " aient existé avant qu'il ne fonde le sien à Marseille.


cassien_fresque.JPG
Cassien représenté sur une fresque orthodoxe.


On ne sait que peu de choses de sa
biographie, et encore de nombreux points sont-ils sujets à controverses. Il serait né vers 360 en Scythie3 , dans une région de l'empire correspondant à l'actuelle Roumanie, selon la tradition la plus courante. Issu d'une famille aisée, il entre très jeune en religion dans le monastère de Bethléem4 . Vers 385, il visite les lieux saints de Palestine et surtout se rend auprès des moines égyptiens du Delta, ce qui aura une influence décisive sur sa pensée et sa vie. Il passe environ dix ans en Egypte, dans différents monastères, en particulier à Skété5 . En 400, il est à Constantinople, où il reçoit l'enseignement de saint Jean Chrysostome, qui l'ordonne diacre. Lorsque Jean Chrysostome est frappé d'exil, Cassien se rend  vers 405 à Rome pour plaider sa cause auprès du pape. C'est vers 415 qu'il arrive en Provence et fonde à Marseille  deux des premiers monastères d'Occident, St-Victor pour les hommes et St-Sauveur pour les femmes, de part et d'autre du Lacydon. Il y meurt entre 435 et 440 6.



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St Victor, martyr marseillais du IVe s. sur la tombe duquel Cassien fondera son monastère provençal, d'après une icône copte d'Egypte.


Comme les autres
pères de l'Eglise provençale, comme Fauste de Riez7 et Vincent de Lérins8 qu'il a fortement influencés, il pense, contrairement à saint Augustin, que la grâce de Dieu se conjugue au libre arbitre de l'homme : c'est ce qu'on appelle le semi-pélagianisme9, qui sera condamné en 529 par le concile d'Orange. Ce concile condamnera ainsi Cassien et un certain nombre de moines provençaux. Ce qui n'empêchera pas que ce soit sur les écrits de Cassien que s'appuiera saint Benoît pour rédiger la règle bénédictine. St-Victor de Marseille, établi sur le site de la sépulture de ce martyr marseillais10, deviendra l'une des plus grandes abbayes de Provence et reste l'un de ses joyaux architecturaux, dont nous reparlerons. Et les moines cassianites auront dans la région une grande influence.



st-victor-marseille.jpgL'abbaye St-Victor de Marseille, haut lieu de la chrétienté provençale et joyau architectural du Moyen Age qui renferme ses origines paléochrétiennes dans la crypte.




Nous connaissons
 trois écrits de Cassien 11 : 

-
De Institutis coenobiorum et de octo principalium vitiorum remediis ( connu en français sous le nom Institutions cénobitiques), écrit en 421 à  la demande de l'évêque Castor d'Apt
, sous forme d'un traité en 12 livres consacré à la vie monastique et aux défauts qu'il faut combattre pour mener une vie pure. Sa définition de la vie monastique s'illustre de son expérience vécue en Egypte.

-
Collationes patrum in Scithico eremo commorantium (en français Les Conférences
), écrit vers 426, composé de 24 conférences dans lesquelles Cassien raconte son expérience dans les monastères d'Egypte.

-
De Incarnatione Domini contra Nestorium (en français Contre Nestorius), traité rédigé vers 429 à la demande de Léon Ier
, dans lequel il rassemble des preuves tirées des Ecritures de la nature divine du Christ et du statut de Marie comme Mère de Dieu.



mon_nitrie.jpgLes Kellia, vestiges des cellules dans lesquelles les moines des déserts égyptiens se retirèrent dès le IIIe s.



Comme le dit soeur Marie Ancilla, qui lui a consacré un intéressant ouvrage (
voir les liens), " Cassien établit un pont entre le monachisme d'Orient et celui d'Occident. (...) Cassien a apporté en Occident l'essentiel de la spiritualité orientale. " Ce que l'on peut donc retenir à travers Cassien, c'est que c'est un moine formé auprès des moines des déserts égyptiens qui a sinon introduit en Occident le monachisme, du moins a contribué à sa formation et à son développement sur le modèle égyptien. Ainsi, nos plus anciens monastères ont un lien souvent méconnu avec les déserts d'Egypte ; nous verrons d'ailleurs que certaines formes architecturales elles-mêmes ont été importées de l'Egypte paléochrétienne.



ligne-croix-copte.jpg

Notes
:

1- Le prénom " Jean " semble avoir été attaché plus tard à son nom latin, par référence à son maître Jean Chrysostome.
2- Il y a deux formes de monachisme dans le christianisme ancien : l'érémitisme, pratiqué par les ermites qui se retirent seuls au désert ; et le cénobitisme, ou vie monastique en communauté.
3- Selon les auteurs, la date de sa naissance varie dans la décennie située entre 350 et 360. Le lieu de sa naissance est également controversé : Gennadius dit qu'il est originaire de Scythie ( " natione Scytha " ) ; certains objectent là une confusion avec la région de Skété, en Basse-Egypte, où Cassien a séjourné parmi les moines ; d'autres placent sa naissance en Provence, dans une petite ville gréco-romaine appelée Citharista (auj. La Ciotat, ou plus exactement Ceyreste, à la limite entre le Var et les Bouches-du-Rhône), dont le nom aurait ensuite été confondu avec celui de la province de Scythie.
4- Alors dans la province romaine de Syrie. Fondé par st Jérôme, qui y meurt en 419.
5- Région désertique située à l'ouest du Delta, connue sous le nom de Nitrie (auj. Wadi Natron en arabe, ou Shee-Hyt en copte) dans laquelle s'étaient installés des ermites et moines dès le IIIe s.
6- Là encore, la date de sa mort est très fluctuante en fonction des sources et des auteurs, et varie entre 434 et 458 ! La fourchette retenue dans l'article est la plus communément admise.
7- Faustus (vers 410-495), abbé de Lérins, près de Cannes, et évêque de Riez (Alpes de Haute-Provence).
8- Vincent de Lérins (mort vers 440), moine de Lérins.
9- Forme altérée de la doctrine professée par le moine breton Pélage (v. 350-420), qui minimise le rôle de la grâce divine et nie la notion de " péché originel ", l'homme pouvant disposer de son libre arbitre. Ce courant est jugé comme hérétique dès le Ve s.
10- Saint Victor, ancien soldat romain de la légion thébaine, martyrisé à Marseille en 303 sous le règne de Dioclétien et Maximien Hercule. Il est également considéré comme un saint par les Coptes d'Egypte.
11-  Condamnés comme apocryphes par l'Eglise catholique.


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Liens :

- Un ouvrage 
de soeur Marie Ancilla sur Cassien (Marseille, 2002), disponible en ligne au format pdf, avec une introduction biographique (en français).
- Un
chapitre
 du rév. Edgar C. S. Gibson sur Cassien (en anglais).
- Pour les ouvrages de Cassien en ligne : Les Institutions cénobitiques sont disponibles en
français 
dans une traduction de E. Cartier (1872) ; les Conférences sont disponibles en anglais par une traduction du même rév. Edgar C. S. Gibson , mais aussi en français dans une traduction de E. Cartier (1868).

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18 février 2008 1 18 /02 /février /2008 15:20


carte-nag-h.jpg

Carte localisant Nag Hammâdî en Egypte, entre Sohag et Qenah.



A la fin de 1945, des fellah1 égyptiens font sans le savoir l'une des plus grandes découvertes du XXe s. sur le christianisme des origines. La scène se passe près de Nag Hammâdî, au pied de la falaise du Gebel el-Tarif 2. Le groupe de paysans déterre sur le site d'un ancien cimetière situé près du hameau de Hamra Dom une jarre contenant 55 manuscrits sur papyrus. L'un de ces fellah, Mohammed Ali Samman, les ramène dans son village d'el-Qasr, distant de 2km, et les stocke dans sa cour ; on dit que la mère de Mohammed Ali, craignant que les vieux papyrus n'apportent des problèmes, en aurait détruit une partie. Puis il les cède à un antiquaire ou à un prêtre copte, selon les versions, qui les ramène au Caire et les revend à d'autres antiquaires. Le directeur du Musée copte  acquiert le premier mansucrit en octobre 1946. La découverte est officiellement annoncée en 1948 par Togo Mina, directeur du Musée copte, H.-Ch. Puech, membre de l'Institut, et Jean Doresse, du CNRS. En 1956, pour éviter que les précieux manuscrits ne quittent le pays, le Département des Antiquités égyptiennes et l'administration égyptienne des musées déclarent propriété nationale les codex de Nag Hammâdî encore disséminés chez les antiquaires du Caire. Ils sont mis en dépôt au Musée copte du Caire 3, où ils ont pu être tous rassemblés.


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Mohammed Alî Samman , qui a découvert les manuscrits, et sa mère, Omm Ahmed.



On ignore aujourd'hui encore l'origine de ces manuscrits, qui, contrairement à ceux de Qumran 4 sur la mer Morte, sont reliés en 13 codex 5 protégés par des étuis en cuir. Ils ont été enterrés vers le IVe s. dans un lieu qui n'est pas anodin : c'est la région où s'installèrent des monastères 6 comptant parmi les premiers d'Egypte, sous l'impulsion de st Pacôme. On ignore s'ils furent cachés par les membres d'une secte gnostique pour les protéger des persécutions, ou s'ils provenaient de la bibliothèque d'un monastère chrétien qui les étudiait pour mieux combattre l' "hérésie" ou qui les aurait enlevés de sa bibliothèque quand les écrits gnostiques furent déclarés hérétiques.


Grâce aux études menées, on peut les dater entre le début du IIe et le IVe s. L'étude des textes suggère que les originaux devaient être des textes rédigés en grec en milieu judéo-chrétien au IIe s. , grande époque du gnosticisme d'Alexandrie. Ils auraient été traduits en copte aux IIIe et IVe s. Les reliures de cartonnage et de cuir datent quant à elles des IIIe et IVe s. 7



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Les codex appelés " bibliothèque de Nag Hammâdî ", avec leur protection de cuir.



Ce qui fait de ce qu'on a appelé la "bibliothèque de Nag Hammâdî " une découverte exceptionnelle, c'est que c'est la première fois que l'on dispose d'un si riche ensemble de textes gnostiques. Ce sont des traductions en langue copte 8 d'écrits originaux. Jusqu'à leur découverte, les chercheurs n'avaient pu étudier que de rares manuscrits gnostiques isolés et surtout ce que les textes des Pères de l'Eglise 9 en disaient, non sans partialité évidemment. L'UNESCO a financé la reproduction en fac-simile photographique des manuscrits pour permettre leur étude par les chercheurs. Des traductions en anglais et en français sont parues dès les années 1970.


Mais qu'est-ce exactement que la Gnose ? Jacques-E. Ménard, de l'Université de Strasbourg, l'un des principaux acteurs de l'édition de ces textes en français, nous le résume très bien : " (...) une idéologie religieuse des premiers siècles chrétiens (...) qui se révèle aujourd'hui plonger des racines profondes dans des origines préchrétiennes (...). La Gnose n'est pas une hérésie chrétienne. C'est avant tout une religion de salut qui repose sur la connaissance par l'homme de son propre "moi" : c'est en se reconnaissant lui-même que l'homme doit retrouver ses origines divines. Si la Gnose est une connaissance des mystères du monde(...) elle demeure toujours de l'ésotérisme. Seul l'homme spirituel est sauvé, en se libérant de la sphère matérielle où il est plongé. Il doit reconnaître qu'il est porteur d'une semence, d'une étincelle céleste." 10 La Gnose a eu une influence non négligeable sur le christianisme des origines, ne serait-ce que parce que la pensée chrétienne officielle, avec laquelle elle fut en rivalité, se définit souvent par rapport à elle.



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L'évangile selon st Thomas est un des textes de Nag Hammâdî qui ont fait le plus couler d'encre ; dans la tradition catholique, Thomas l'Apôtre est l'incrédule... et apparaît tout autre dans son évangile apocryphe. Peinture sur bois de Rembrandt (détail).

Evidemment, cette découverte a fait couler beaucoup d'encre, suscité bien des polémiques et entgendré rumeurs et fantasmes. Bien sûr, l'Eglise catholique s'est émue de voir remis au jour des textes qu'elle avait combattus et dont certains allaient s'emparer à nouveau pour émettre des critiques à son égard. Le Vatican a réaffirmé sa position considérant ces textes comme n'étant pas reconnus comme compatibles avec la foi catholique. Mais on a beaucoup fantasmé sur les pressions du Vatican pour empêcher la diffusion et la publication des textes. Des ésotéristes en tous genres ont également spéculé sur la base de ces textes, en particulier dans les milieux rosicruciens.

Au-delà de ces questions d'opinion ou des véritables délires de certains, l'intérêt scientifique de ces textes est de permettre une meilleure approche de l'effervescence intellectuelle, philosophique et religieuse d'Alexandrie dans les premiers siècles de notre ère. Ainsi que de porter un nouvel éclairage sur le contexte dans lequel s'est développé le monachisme en Egypte.


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St Pacôme le Grand d'après une icône copte. Deux monastères de son obédience se trouvent à peu de distance de Nag Hammâdî.

Nous reparlerons de la Gnose et de certains aspects des textes de Nag Hammâdî dans de prochains articles sur le milieu intellectuel alexandrin et les débuts du christianisme. Dans une page regroupant des informations et références sur les textes coptes, vous trouverez la liste complète des textes de Nag Hammâdî.




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Notes


1- Fellah signifie " paysan " en arabe égyptien ; pour faciliter le compréhension, nous n'avons pas adopté le pluriel arabe, fellahîn.
2- Gebel el-Tarif : site archéologique où ont également été retrouvées des tombes royales, réoccupées par les moines. Dans l'Antiquité, le site était connu sous le nom de Chenobskion.
3- Musée copte du Caire est situé dans le Vieux Caire (Masr el-Qadima).
4- Qumran, où furent découverts en 19  d'autres manuscrits du judaïsme et christianisme ancien près d'un site essénien. On parle aussi couramment de " manuscrits de la mer Morte ".
5- Codex : type de reliure qui relie les manuscrits en feuillets, comme les livres actuels ; dans l'Antiquité, on utilisait plutôt des rouleaux, qui étaient le mode le plus fréquent jusqu'au IVe s. En principe, le pluriel de codex est codices ; mais nous avons renoncé au pluriel latin pour faciliter la compréhension.
6- Les monastères pacômiens de Phbow et Tabennes.
7- Les cartonnages des reliures contiennent des textes divers des IIIe et IVe s. : contrats de tisserands, lettres privées, factures de vin et de céréales, notices officielles, fragments de la Genèse peut-être rassemblés par des moines pacômiens, lettres adressées à des moines.
8- Deux dialectes coptes de Haute-Egypte.
9- On appelle " Pères de l'Eglise " des personnalités, des premiers siècles du christianisme pour la plupart, dont les textes et la pensée sont reconnus comme établissant les fondements de la pensée chrétienne considérée comme conforme et ont combattu les hérésies. Leur liste est fluctuante, chez les catholiques comme chez les orthodoxes.
10- In " Nag Hammadi, bibliothèque gnostique au bord du Nil ", Dossiers Histoire et Archéologie n°70, février 1983, p. 9.


Références et liens :

- " Nag Hammadi, bibliothèque gnostique au bord du Nil ", Dossiers Histoire et Archéologie n°70, février 1983, p. 9.
- une bibliographie en anglais est disponible sur le site de l'Institute for Antiquity and Christianity de l'universite de Claremont (Californie), qui a participé au travail de conservation et d'étude des manuscrits.
- Un lien en français très intéressant sur les textes de Nag Hammâdî et leur portée, en particulier l'évangile de Thomas. Vous y trouverez aussi un récit détaillé de leur découverte et de leur parcours avant qu'ils ne soient rassemblés au Musée copte du Caire.
- la traduction en anglais de quelques textes de la " bibliothèque de Nag Hammâdî ".



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30 novembre 2007 5 30 /11 /novembre /2007 17:48

 

abu-serga-entree.jpg

On doit descendre un escalier de quelques marches dans Haret Kedis Girgis pour accéder à l'église St-Serge.


Il paraît naturel de commencer notre promenade dans le patrimoine copte de l'Egypte par une église qui est considérée comme la plus ancienne de la capitale égyptienne. Située dans l'une des rues étroites du Vieux Caire, près des anciens remparts romains, elle est de l'extérieur si discrète qu'on pourrait passer à côté sans même la voir. Il faut descendre quelques marches pour accéder à l'entrée. Et, là, à l'intérieur, on découvre l'une des merveilles de l'architecture paléochrétienne égyptienne. Pour les amoureux de l'architecture médiévale chrétienne, elle présente en outre l'intérêt de fournir un bon exemple de ces églises paléochrétiennes dont les exemples conservés sont rares en Europe et dont le modèle s'est pour l'essentiel élaboré en Egypte.





La nef centrale vue depuis l'iconostase, avec l'aile en retour et les tribunes.



L'église est dédiée à
deux martyrs de la fin du IIIe s. , les soldats Sergius et Bacchus d'el-Rasafah, morts en Syrie durant les persécutions de Maximien ; les Egyptiens l'appellent Abu Serga 1. Mais surtout elle aurait été construite au-dessus de l'abri dans lequel la Sainte Famille aurait trouvé refuge durant la Fuite en Egypte. Cette église joua aussi un rôle important dans l'histoire des Coptes d'Egypte, puisque plusieurs patriarches coptes y furent élus du VIIe au XIe s. et qu'une tradition ancienne voulait que le patriarche nouvellement élu célèbre la messe dans la Mo'allaqa (église suspendue), puis une autre à Abu Serga. Elle fut le siège épiscopal de Masr el-Qadima 2.



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Les tribunes au-dessus de l'une des nefs latérales.



Sa fondation remonte au
IVe ou Ve s. , ce qui en fait la plus ancienne église du Caire encore visible, mais elle a été restaurée à plusieurs reprises. En 750, elle brûle par exemple durant l'incendie de Fustât, lors de la fuite en Egypte du calife omeyyade Abu Abd el-Malik Marwân II, et dut être restaurée  une première fois au VIIIe s. Son plan, son architecture et ses éléments de décor en font l'un des monuments coptes à ne pas manquer lors d'une visite au Caire.


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Le plan est de type basilical à trois nefs, selon la tradition copte ancienne héritée de l'Antiquité. Elle est divisée en 3 nefs par deux rangées de 6 colonnes, division tripartite qui se retrouve dans le sanctuaire. Les colonnes étaient à l'origine rehaussées de peintures représentant les Apôtres, dont il subsiste quelques vestiges, sauf une : en effet, 11 sont en marbre et une est en granit rouge ; cette dernière symboliserait Judas, qui dénonça Jésus. Les dimensions de l'édifice sont de 27m de long sur 17m de large, pour une hauteur maximale de 15m. La nef centrale est plus large que les nefs latérales, mais également plus haute ; en effet, les nefs latérales sont couvertes de tribunes, qui ouvrent sur la nef centrale par des baies rectangulaires à colonnettes et se poursuivent au-dessus de l'aile en retour ; dessous se trouvent des baies à arc brisé inspirées de l'architecture islamique. Nefs latérales et tribunes sont couvertes en charpente plate, tandis que la nef centrale est couverte d'une magnifique charpente cintrée. Selon un modèle égyptien, les deux nefs latérales sont reliées au sud-ouest par une aile en retour formant passage et séparée de la nef principale par des arcades.





Vue sur le sanctuaire depuis la nef centrale, avec à gauche l'ambon de marbre, au premier plan l'iconostase et à l'arrière le dôme de bois stuqué couvrant l'autel principal. 


L'
ambon 3 de marbre, placé dans la nef centrale, en avant du sanctuaire est une copie tardive ; l'original était en bois. A l'origine, la nef devait être séparée du sanctuaire par un khurus 4, selon le modèle égyptien, mais celui-ci a aujourd'hui disparu. A sa place se dresse une magnifique iconostase 5 des XIIe-XIIIe s. , qui compte parmi les merveilles du travail sur bois au Caire ; richement ornée de motifs géométriques et végétaux, elle se compose de panneaux marquetés d'ivoire et d'ébène, mais on y trouve aussi intégrées d'exceptionnelles icônes de bois sculpté datant du Xe s. (la Nativité, la Multiplication des Pains, st Demetrius, st Georges et st Theodore). Les marqueteries de l'iconostase montrent l'influence réciproque de l'art chrétien et de l'art islamique dans l'Egypte médiévale ; les inscriptions sont d'ailleurs rédigées en copte, mais aussi en arabe.




Détail de l'iconostase avec des inscriptions en incrustation d'ivoire, rédigées en copte et en arabe.


Dans le
sanctuaire proprement dit se trouve au centre l'autel principal, couvert d'un dais de bois peint et stuqué et d'un dôme bulbeux de type islamique ; à l'intérieur est peint le Christ entouré d'anges. A la nef principale correspond une grande abside semi-circulaire dotée de 7 marches symbolisant les 7 degrés de la hiérarchie ecclésiastique copte : en effet, les religieux y prenaient place en fonction de leur rang. Elle conserve une riche ornementation de marbres et de mosaïques. L'abside nord-ouest est semi-circulaire elle aussi, tandis que l'abside nord-est est de plan quadrangulaire couvert d'une coupole sur trompes. 


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Mais la grande originalité de cette église est la
crypte qui correspond à l'endroit où la Sainte Famille aurait séjourné quelque temps durant la Fuite en Egypte ; Joseph, selon la tradition, aurait travaillé dans l'ancienne forteresse romaine de Babylone d'Egypte 6. St Marc, venu à Alexandrie au Ier s., aurait attesté que ce lieu était déjà considéré comme sacré par les chrétiens d'alors. Ce qui est certain, c'est que cette crypte servait déjà de lieu de culte avant que l'église ne soit construite au-dessus. Elle se trouve juste au-dessous du sanctuaire actuel et est accessible par deux escaliers placés de chaque côté de l'autel principal de l'église supérieure. Elle aussi offre une structure tripartite, avec 3 nefs formées par deux rangs de colonnes supportant des arcs en plein cintre et terminées par des absides quadrangulaires. Malheureusement, la nappe phréatique provoque régulièrement son inondation et des travaux ont été entrepris pour assurer sa sauvegarde.





La crypte de la Sainte Famille.



Enfin, l'église conserve quelques
icônes d'époques diverses et des panneaux de bois sculpté. Une grande cérémonie y est célébrée chaque année le 1er juin, lorsque les Coptes commémorent la Fuite en Egypte.



abu-serga-iconostase-det.jpg

Synthèse de l'art chrétien et de l'art islamique dans le décor de l'iconostase.



Notes :

1 - "
Abu ", qui signifie " père " en arabe, est le nom donné aux saints par les chrétiens égyptiens ; "Serga" est l'équivalent égyptien de "Sergius" ; on trouve aussi la forme gréco-égyptienne "Sarguis
".

2 -
Masr el-Qadima
: nom arabe du Vieux Caire, ou Caire copte, qui correspond à l'ancienne fondation romaine tardive.

3 -
Ambon
: dans les églises paléochrétiennes, sorte de tribune maçonnée placée à l'entrée du choeur qui servait aux lectures des textes saints et à la prédication.

4 -
Khurus : sorte de choeur, salle transversale qui vient s'insérer entre les nefs et le sanctuaire dans certaines églises égyptiennes à partir du VIIe
s. C'est un élément typiquement égyptien.

5 -
Iconostase
: cloison de bois ou de pierre séparant les nefs, réservées aux fidèles, du sanctuaire, réservé au clergé qui y célèbre une partie des cérémonies à l'abri des regards ; elle est caractéristique des rites copte et orthodoxe.

6 -
Babylone d'Egypte
: nom sous lequel est connue la forteresse romaine qui a donné naissance au Vieux Caire.




Références et liens


- Rév. Gabriel G. BESTAVROS,
Notice sur l'histoire de l'église st. Sargius, la plus vieille église d'Egypte, où la Sainte Famille vivait pendant sa fuite en Egypte
, Le Caire, s.d.

- Jimmy DUNN,
The Church of Saints Sergius and Bacchus (Abu Serga) , in Tour Egypt, site du ministère égyptien du Tourisme.

- Article sur le site du musée Copte du Caire.

 

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