Le complexe de Qalâwûn, un des monuments marquants du Caire mamlûk.
Après la mort de Baybars, ses fils Sa'id en-Nâsir ed-Dîn Baraka (1277-1279) et 'Adel Badr ed-Dîn Sâlâmish (1279) furent rapidement déposés et c'est l'un de ses généraux, Qalâwûn, qui fut désigné comme sultan. Qalâwûn avait été l'esclave d'es-Sâleh, le sultan ayyubide, et avait été acheté pour la somme de 1000 dinars d'or, ce qui lui valait le surnom de « l'homme d'un millier ». Comme Baybars, il venait de Kipchak, en Russie. On raconte qu'il était fort bel homme. Qalâwûn fonda une véritable dynastie familiale qui régna sur l'Egypte durant un siècle. Il poursuivit largement la politique initiée par Baybars. Il parvint à maintenir en échec à la fois les Mongols et les croisés, passant même des traités avec l'empereur Rodolphe de Habsburg et d'autres princes européens. Il poursuivit la politique de construction entamée par Baybars, construisant entre autres un hôpital, une mosquée et un mausolée qui existent toujours au Caire et marquent l'un des sommets de l'architecture mamlûk. Nous l'avions déjà rencontré dans un article sur un dirhem d'argent de ma collection numismatique.
Qalâwûn poursuit la lutte contre les Mongols.
Lorsque l'un de ses fils, Malik Sâleh, mourut de dysentrie, Qalâwûn en eut le coeur brisé et imposa le deuil à la cour, interdisant à quiconque de changer de vêtements ou de se couper les cheveux jusqu'à nouvel ordre !
Méfiant envers ses congénères, Qalâwûn recrute des Mamlûk circassiens qu'il installe dans la Citadelle du Caire.
Qalâwûn préféra acheter des Mamlûk circassiens plutôt que des Mamlûk turcs, ce qui aura plus tard une influence décisive sur le destin de l'Egypte. Il les installa dans le grand donjon circulaire de la Citadelle du Caire.
El-Ashraf Sâlah ed-Dîn Khalîl, 2e sultan qalâwûnide, parvient à reprendre Acre aux croisés, mettant fin à la présence chrétienne.
Ce fut son fils el-Ashraf Sâlah ed-Dîn Khalîl (1290-1293) qui lui succéda en 1290. Khalîl parvint à prendre le port d'Acre, rasa les forteresses des croisés et les repoussa vers Chypre.
En-Nâsir Mohammed ibn Qalâwûn (1293-1294, puis 1298-1309 et 1310-1340), l'autre fils de Qalâwûn, succéda à son frère. Profitant de ce que le prince n'était âge que de 9 ans et de dissensions internes, l'émir Mansûr Hosâm ed-Dîn Lagîn gouverna l'Egypte en son nom ; il avait semble-t-il pris part à l'assassinat de Khalîl... Il finit même par usurper le titre de sultan (1296-1298), mais sera à son tour assassiné en 1299. En-Nâsir reprend provisoirement le pouvoir en 1298, mais doit à nouveau fuir en 1309 devant Muzaffar Rukn ed-Dîn Baybars, qui devient un sultan éphémère sous le nom de Baybars II. Quand en-Nâsir revint en 1310, il fit mettre à mort l'usurpateur Baybars II. Il fut un plus grand bâtisseur encore que son père. C'était un souverain absolu, qui régnait si nécessaire avec brutalité et tenait ses rivaux mamluk en respect. Envers les émirs, il se montrait méfiant et capricieux, étant capable de les couvrir de richesse comme de les faire exécuter.
Le casque d'en-Nâsir Mohammed ibn Qalâwûn.
La dernière partie de son règne sera marquée par un retour relatif de la sécurité et de la prospérité. Il signa des traités avec les Mongols et renforça les liens avec l'Europe. Le commerce extérieur prospéra et les frontières de l'Egypte ne furent plus discutées. La ville du Caire connut à cette époque une grande prospérité due au commerce qui transitait par son port fluvial. Le commerce avec Venise, dont l'importance s'affirmait en Italie, se développa par exemple. En 1311, en-Nâsir fit creuser un canal entre Alexandrie et le Nil pour favoriser le commerce avec la Méditerranée ; 100 000 ouvriers furent nécessaires à sa réalisation et le sultan le finança en prélevant un impôt sur toutes les marchandises vendues.
Des désordres contre les chrétiens intervinrent également sous son règne, qui semblent en fait dirigés contre lui. En effet, il avait fait appel à des conseillers chrétiens qui furent accusés d'avoir promulgué des lois et levé des impôts impopulaires.
La mosquée Sultan Hasan, un des joyaux de l'architecture mamlûk du Caire.
En-Nâsir meurt en 1341 ; Le Caire, qui a prospéré sous son règne, entre après sa mort dans une période des plus sombres. Les désordres s'amplifièrent sous les fils et les successeurs d'en-Nâsir, en grande partie à cause de leur incompétence. Le seul de ses 10 fils qui lui succédèrent comme sultans à parvenir à se maintenir et à laisser quelque chose derrière lui fut en-Nâsir Hasan ibn Mohammed (1347-1351 et 1354-1361), connu sous le nom de Sultan Hasan ; il construisit en particulier une mosquée-madrasa qui est sans doute l'un des plus beaux monuments du Caire : la mosquée Sultan Hasan, considérée comme l'un des joyaux de l'architecture égyptienne.
En dehors d'Hassan, aucun des fils d'en-Nâsir ne régna longtemps. Les émirs mamlûk faisaient assassiner les sultans au gré de la montée en puissance de telle ou telle faction. Faute d'un sultan assez puissant pour les contrôler, les Bahri Mamlûk et les Burgi Mamlûk, les Circassiens installés par Qalâwûn à la Citadelle, ne cessaient de s'affronter, profitant des conflits les opposant pour rançonner la population civile. Puis en 1382, un esclave circassien, Barqûq, renversa la dynastie, s'empara du trône et fit passer l'Egypte sous le contrôle des Burgi Mamlûk.
Merveilleuse richesse du décor du minaret du complexe de Qalâwûn, qui montre bien le degré de qualité qu'atteint alors l'architecture égyptienne.
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