Une demeure perdue quelque part entre rêve et réalité, dans les sables du désert égyptien ou sur les flots de la Méditerranée. Tournée vers l'horizon, les horizons divers... Les horizons de l'Est et de l'Ouest, comme disaient les anciens Egyptiens... Une demeure un peu folle, pour abriter des rêves un peu fous, des passions, des émotions, des coups de coeur...
Au cours d'une promenade dans Toulon, j'ai découvert dans l'entrée presque intacte de cet immeuble daté de 1909-1910 un superbe sol de carreaux de ciment de style Art Nouveau. Comme c'est le plus souvent le cas, les carreaux sont disposés de façon à former un décor en tapis : une frise, bordée de petits carreaux à motif géométrique, entoure le décor central où alternent carreaux ornés et carreaux unis disposés en losanges. On retouve les motifs floraux et les courbes végétales caractéristiques du style Art Nouveau. Ici, l'association des couleurs est particulièrement harmonieuse.
Tout comme dans les rues je vous invitais à lever les yeux vers le sommet des façades, dans les intérieurs je vous invite à ne pas manquer d'observer les décors de sol. Les carreaux de ciment, nous n'y faisons souvent plus attention ; pourtant ils ont marqué toute une époque et certains présentent de magnifiques compositions. La technique de fabrication des carreaux de ciment est apparue vers le milieu du XIXe s. , mais le véritable engouemment généralise leur emploi à partir des années 1880. Ils sont essentiellement fabriqués dans le sud-est, notamment dans la région de Marseille. Ils servent dès lors à réaliser avant tout des décors de sols dont on retrouve aujourd'hui encore de superbes exemples ; on pouvait aussi les utiliser pour des décors muraux.
Magnifique sol de carreaux de ciment de la fin du XIXe s. dans l'entrée d'un immeuble du quartier de la gare à Toulon. On peut voir ici la vigueur préservée des coloris, un siècle plus tard, et la variété des motifs et des formes possibles. L'association des coloris, dans cet immeuble que nous retrouverons pour son exceptionnel décor mural à la grecque antique, est plus audacieuse que dans l'exemple précédent.
Les carreaux étaient teintés dans la masse avec des pigments divers en fonction de leur qualité, les plus soignés étant réalisés avec des sables de silice, de la poudre de marbre, etc. Les motifs réalisés à la main présentent de ce fait de légères irrégularités ou différences quand on les observe en détail, ce qui rend sensible la main de celui qui les a peints. Au final, les carreaux ont un aspect satiné et sont extrêmement résistants ; leurs couleurs résistent très bien au temps.
Sol de carreaux de ciment dans l'église St-Laurent d'Ollioules, datant des années 1890. Dans cet exemple, les carreaux adoptent la forme hexagonale des tomettes provençales. Les motifs géométriques en trompe-l'oeil permettent de donner de la profondeur à l'ensemble. La sobriété des couleurs s'adapte à la vocation de l'édifice.
Ils ont été très en vogue de la fin du XIXe s. aux années 1950, s'adaptant aux styles et modes successifs. Sacrifiés durant la période de grande sévérité décorative de la seconde moitié du XXe s., malheureusement souvent alors détruits ou endommagés, ils font aujourd'hui leur retour comme d'autres éléments décoratifs. Des entreprises, dont certaines ont survécu à l'époque d'appauvrissement du décor intérieur, reproduisent des modèles anciens, surtout utilisés pour la restauration, mais réalisent aussi des créations avec une gamme de couleurs plus étendue.