Chaque civilisation, en développant sa propre culture et ses formes d'art, établit en parallèle un vocabulaire spécifique. La plupart du temps, il est possible de traduire ces mots dans n'importe quelle autre langue, car on peut trouver des équivalences ou ressemblances ; mais parfois la traduction fait perdre une partie du sens, voir est impossible, tant le terme est particulier. C'est le cas pour un certain nombre de termes architecturaux dans le domaine islamique, que l'on conserve en arabe et qu'il vaut mieux connaître pour mieux comprendre les monuments et leur symbolique. Je vous propose donc, en préalable à notre promenade dans ce domaine, de faire le point sur les termes que nous rencontrerons le plus souvent. Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas très compliqué. Puisque la grande passion de ce blog, c'est quand même l'Egypte, je vous donnerait chaque fois que nécessaire ou possible entre parenthèses le terme dialectal égyptien équivalent au terme arabe littéral.
Nous allons commencer par l'architecture religieuse, car c'est là que nous rencontrerons le plus de termes spécifiques.
Il y en arabe deux termes pour dire "mosquée" : jâmi3 (égypt. gâmi3) et masjid, le second étant semble-t-il le terme le plus ancien. Il y a cependant une nuance :
- le terme de masjid désigne en principe une mosquée de quartier utilisée pour les prières quotidiennes, de dimensions plus ou moins modestes ;
- celui de jâmi3 désigne quant à lui ce qu'on traduit souvent par " Grande Mosquée " et que les Anglo-Saxons appellent " Friday Mosque " (" mosquée du Vendredi "), destinée à la prière du vendredi et de dimensions importantes.
On pourrait encore y ajouter un 3e type, l' 3îdgâh, littéralement " place de prière ", qui ne se constitue que d'un vaste espace à ciel ouvert fermé seulement par un mur de qibla avec son mihrâb ; elle sert aux grandes cérémonies.
Fontaine aux ablutions de la mosquée de Mohammed Ali, au Caire.
- birka : fontaine aux ablutions dans un édifice religieux. On trouve aussi : fisqîya ou hanafiyya. La fontaine aux ablutions placée au centre de la cour dans un édicule spécifique est appelée hawd.
- dikka (égypt. dekka) : plate-forme maçonnée ou en bois, placée au milieu ou sur l'arrière de la salle de prière, qui servait à la personne chargée de relayer les paroles de l'imâm pour les fidèles situés à l'arrière lors des grandes prières ; on l'utilisait aussi pour l'enseignement.
Dikka de la mosquée Sultan Hasan, au Caire.
- iwân : espace ouvrant sur le cour centrale non par un portique mais par un un grand arc ; ce motif est d'origine persane.
- kursî : lutrin, de façon générale. Le kursî (e)s-Sûra est réservé à la lecture du Coran ( nous en verrons de beaux exemples égyptiens ).
Kursi du mausolée de Qayit Bay, dans le cimetière Nord du Caire.
- manâra : minaret. Synonyme : ma'addana.
- mashhad : mosquée qui vaut l'objet d'un pélerinage par la présence d'un tombeau saint.
Mihrâb du mausolée d'el-Ghori, au Caire.
- mihrâb : niche percée dans le mur de qibla, servant à la fois à indiquer la direction de La Mecque et de caisse de résonnance pour diffuser la voix de l'imâm qui conduit la prière.
- minbar : grande chaire depuis laquelle l'imâm prononce le sermon ; il est en général placé à gauche du mihrâb.
Minbar marqueté du khanqâh d'el-Ashraf Barsbay, dans le cimetière Nord du Caire.
- mu3allaq (égypt. mo3allaq) : littéralement "suspendu" ; c'est un type spécifique de mosquée qui se dresse au-dessus d'un rez-de-chaussée occupé par des espaces civils, comme des boutiques.
- riwâq :portique situé en général sur les côtés de la cour d'une mosquée.
- sahn : cour intérieure de la mosquée.
- qibla : mur qui sert d'orientation à toute le mosquée, puisqu'il se trouve perpendiculaire à la direction dans laquelle se fait la prière.
Minaret du complexe de Qala'un, dans la partie médiévale du Caire.
En dehors des mosquées, on trouve d'autres édifices religieux qu'on qualifie souvent de "monastères ", même si le terme est assez impropre car il ne correspond pas à ce qu'englobe la notion de monastère en Occident. C'est pourquoi il est souvent préférable de conserver le terme arabe. Ce sont en particulier les Sufi qui se réunissaient dans de tels édifices.
- hujra : cellule, chambre dans un de ces monastères.
- khânaqâh (égypt. khanqâh) : sorte de monastère, fondation pieuse qui servait à la formation des frères sufi ; il comprend en général le mausolée du fondateur, qui était en même temps desservi par les Sufi vivant sur place.
Khanqâh de Farag ibn Barqooq dans le cimetière Nord du Caire.
- ribât : monastère fortifié.
- takkiyya ( égypt. tekkiya ): monastère servant aussi d'hospice.
- zâwiya : petit monastère.
La prochaine fois, nous verrons le vocabulaire spécifique pour les édifices civils, publics et privés, l'architecture funéraire et les termes liés aux décors.