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20 novembre 2008 4 20 /11 /novembre /2008 19:32

La signification de la palette :

 

Traditionnellement, on a vu dans cette palette l'expression de l'unification de la Haute- et de la Basse-Egypte par Narmer. Mais cette interprétation a été remise en question par un certain nombre de chercheurs, et il pourrait tout aussi bien ne s'agir que de l'une des victoires de Narmer, roi de Nekhen, sur ses adversaires de la région du Delta.

 

 

 

 

 

Par contre ce qui ne fait aucun doute, c'est que son intérêt dans l'histoire de l'iconographie égyptienne est capital : dès cette époque reculée, on voit se former et se fixer des thèmes et des formes qui subsisteront tout au long de l'art égyptien. On peut dire que c'est alors que se forme l'iconographie royale. Le thème du roi tenant l'ennemi vaincu par les cheveux et s'apprêtant à le frapper à mort, par exemple, subsistera jusqu'à la fin de la civilisation égyptienne. De même que le canon de la représentation du corps dans les peintures et les reliefs.

 

 

 

 

 

Ramses II et les vaincus dans le temple principal d'Abou Simbel...

 

 

 

... ou encore Ptolémée sur le pylône du temple d'Edfou : malgré les évolutions stylistiques, on reconnaît bien le thème mis en place dès l'époque de Narmer. 

 

 


Les influences mésopotamiennes :

 

 

 

Fragment de stèle représentant une chasse au lion (diorite, période d'Uruk tardive, Uruk, v. 3300-3000 av. JC, Musée d'Iraq, Baghdad). 

 

 

 

 

Empreinte d'un sceau de la période de Jemdet Nasr, sur laquelle on peut reconnaître les rosettes et des similarités dans le traitement du personnage (vers 3200-3000 av. JC).

 

  

 

Des parentés apparaissent assez nettement, dans le style et l'iconographie, avec des productions mésopotamiennes contemporaines. Les relations entre l'Egypte et les civilisations mésopotamiennes sont attestées depuis les périodes les plus anciennes. Les parentés les plus évidentes sont celles avec les oeuvres de la période d'Uruk1, en particulier celles de Jemdet Nasr2. On y retrouve notamment les conventions dans la représentation du corps humain, avec la tête et la partie inférieure du corps de profil alors que le buste est figuré de face ; d'autres éléments, comme la rosette ou encore les léonidés à cou serpentiforme3, sont typiquement mésopotamiens. Enfin, des éléments stylistiques sont communs, dans le traitement des taureaux ou encore des visages. Ces échanges culturels et influences réciproques seront permanents entre l'Egypte et ses voisins d'Orient tout au long de son histoire.

 

 

 

 

Le motif des léonidés affrontés au cou serpentiforme sur un sceau de la période de Jemdet Nasr (à gauche, musée du Louvre) et sur la palette de Narmer ( à droite). 

  

 

Parallèlement, on peut dire que l'iconographie de la palette se rattache également à un fonds commun des civilisations les plus anciennes d'Orient et d'Afrique. Le taureau, par exemple, se retrouve dans nombre de civilisations de cette période et même antérieures, ainsi que l'assimilation entre le chef ou roi et l'animal.  



La palette dans son contexte :

 

 

 

La Palette de Narmer n'est que la plus célèbre d'un grand ensemble de palettes votives d'époque pré-dynastique, qui s'étendent sur toute la période de Naqada. Vous en trouverez un corpus sur le site de Francesco Raffaele indiqué dans les liens ci-dessous.  On peut citer ainsi parmi les plus proches de celle-ci :


 

La palette " libyenne " du Musée Egyptien du Caire (en réalité un fragment de palette) ...

 

  

 

 

 

... la " palette du taureau " du musée du Louvre ...

 

 

 

 

 

... ou encore la " petite palette d'Hierakonpolis " ou " des deux chiens " de l'Ashmolean Museum d'Oxford.

 


 

 

 

A travers cet exemple de la Palette de Narmer, nous avons vu combien une oeuvre, dans ses détails même les plus infimes, fourmille d'informations qui permettent de faire revivre toute une page d'histoire et de civilisation. Il est donc important de disposer de quelques clefs pour pouvoir les décrypter et pour que la rencontre soit d'autant plus passionnante.

 

 


 


 

Notes :

1- Uruk : ville de Mésopotamie méridionale , aujourd'hui Warka, dans le sud de l'Iraq, qui a donné son nom à une période, la période d'Uruk (env. 3800-3100 ou 2900 av. JC.).
2- Jemdet Nasr : site archéologique de l'Age du Bronze situé en Iraq, dans le governorat de Babil, qui a donné son nom à une période des cultures mésopotamiennes méridionales, dites " sumériennes ", vers 3100-2900 av. JC. ; on qualifie aussi parfois cette période d'Uruk III.
3- Qualifié de " serpopard " chez les auteurs anglo-saxons.



Liens :

 

Une oeuvre majeure comme la Palette de Narmer renvoie à de nombreux documents et sites qui lui ont été consacrés. Voici donc une sélection de ceux qui m'ont semblé les plus intéressants ; mais dans chacun vous trouverez des liens et des orientations bibliographiques. La plupart, comme souvent, sont en langue anglaise.

- un article en plusieurs pages dans Ancient Egypt est consacré à cette palette, avec de nombreuses références et des liens (anglais).

- également un très intéressant
article en 3 pages sur Egyptvoyager (anglais).

- pour la palette dans son contexte, sur le site passionnant de Francesco Raffaele consacré à l'Egypte de la fin de la période prédynastique et des premières dynasties (  " Late Predynastic and Early Dynastic Egypt " , lien direct vers la page d'accueil du site indiqué dans la Bibliothèque virtuelle de Beyt Kaaper), un corpus très bien conçu des
palettes prédynastiques, avec de nombreuses références (anglais).

-
Hierakonpolis Online est un site consacré à Nekhen-Hierakonpolis, dans lequel vous trouverez également de nombreuses informations sur le contexte (anglais).

- enfin, un
article intéressant également sur les influences mésopotamiennes en Egypte  (anglais).

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commentaires

C
Toujours aussi passionnant!!!<br /> Merci et bonne journée ( malgrés le mistral qui nous congèle!!)<br /> <br /> Pola filia <br /> Corinne
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K
<br /> Afwan, heureux que l'article t'aie plu. Bon week-end, c'est vrai que le mistral nous congèle mais bon, au moins nous avons un ciel bien dégagé, on peut se rassurer comme ça (ici, nous sommes en<br /> alerte). Pola filia, Kaaper<br /> <br /> <br />

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  • : Horizons d'Aton - Beyt Kaaper
  • : Une demeure perdue quelque part entre rêve et réalité, dans les sables du désert égyptien ou sur les flots de la Méditerranée. Tournée vers l'horizon, les horizons divers... Les horizons de l'Est et de l'Ouest, comme disaient les anciens Egyptiens... Une demeure un peu folle, pour abriter des rêves un peu fous, des passions, des émotions, des coups de coeur...
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