La fin du voyage s'annonce, mais avec un final somptueux. Rêve que j'aurais cru à jamais inaccessible, voilà que je vais visiter une partie de la nécropole thébaine, avec toute l'émotion et la ferveur que cela suppose pour un passionné d'égyptologie. Bien sûr, le programme est lacunaire ; Deir el-Bahari, le magnifique temple d'Hatshepsout, et Deir el-Medina, le village des artisans de la nécropole, Medinet-Habu, le Ramesseum ainsi que la nécropole des Nobles resteront pour l'heure un rêve à accomplir... Mais c'est déjà une grande chance de pouvoir visiter la Vallée des Rois et la Vallée des Reines.
La Vallée des Reines, avec son rocher évoquant la fertilité...
Nous commençons par la Vallée des Reines, en arabe Bibân el-Harim. Le programme comprend la visite de 3 tombes : la reine Tyti, Amon-Her-Khepeshef et Khâemouaset, une reine et deux princes ramessides. Ne fantasmez pas sur la tombe de la belle Nefertari : elle est définitivement fermée au public, sauf cas très exceptionnel, étant donnée la valeur de son exceptionnel décor... et aussi des problèmes de restauration. Ceci dit, les trois tombes proposées sont magnifiques. Celle d'Amon-Her-Khepeshef, en particulier, a des couleurs remarquables, des bleus magnifiques. Alors que la seule idée de me retrouver dans la galerie de la Grande Pyramide de Gizeh m'avait glacé de terreur, j'oublie ici que je suis claustrophobe. Même si je ne comprends pas tout des décors qui nous entourent, certaines scènes me sont familières ; je donne donc quelques explications à ma mère, et nous nous trouvons bientôt entourés d'oreilles désireuses de mieux comprendre ce que voient les yeux. Pas de visite commentée à l'intérieur des tombes : on marche à la queue leu-leu dans les allées de bois prévues à cet effet ; quand on a la chance de visiter à un moment où il y a peu de monde, on a la possibilité de prendre son temps - c'est notre cas pour la Vallée des Reines, puisque nous sommes arrivés très tôt et qu'il y a encore peu de monde sur le site, Amr, notre guide, est bien organisé à ce niveau - ; par contre, s'il y a du monde, les gardiens égyptiens font avancer le troupeau qui encombre les couloirs à grands renforts de "yalla ! yalla !"... J'avoue même ne pas avoir pu réprimer un "meuhhhh !" dans une certaine tombe, que le défunt pharaon me pardonne !
Une fresque de la tombe du prince Amon-Her-Khepeshef...
Une fresque de la tombe du prince Khaemouaset...
Tombe de la reine Tyti...
Ensuite, la Vallée des Rois, Bibân el-Muluk pour les Egyptiens. Après une présentation d'ordre général par notre guide, nous avons la possibilité de visiter deux tombes à notre convenance. Je déconseille à mes parents celle de Toutankhamon, devant laquelle c'est la cohue et dont je sais qu'elle n'est pas la plus intéressante, même si elle est mythique ; il faut de toute façon, me semble-t-il, payer un droit d'entrée spécifique. Nous commençons par celle de Ramsès VI, juste au-dessus ; une splendeur, mais très fréquentée. Mon beau-père, qui commence sans doute à saturer d'égyptologie, se met à délirer sur la signification des reliefs et des peintures, et manque de nous faire étouffer de rire avec son histoire du croco-lion... Une fois ressortis, nous ne sommes pas d'accord sur la seconde tombe : mon beau-père et nos amis veulent voir la tombe de Seti II, car il y a des momies à l'intérieur. Moi, je rêve de voir celle de Seti Ier ; pas de chance, fermée au public. En regardant le plan, je me souviens de la tombe de Taousert-Setnakht, peu connue du grand public mais très intéressante, en particulier parce que son décor est inachevé. Ma mère me suit, et nous sommes quasiment seuls pour visiter la tombe ; un pur régal dans des conditions idéales. Je suis heureux de partager avec ma mère la découverte privilégiée de cette tombe, qui est une des plus vastes de la Vallée, comme nous en avons déjà parlé.
La cime thébaine veille sur la Vallée... moment magique.
La très belle tombe de Ramsès VI...
La tombe de Taousert-Setnakht : une méconnue à découvrir dans le calme...
Petites précisions. Le parking est assez éloigné de la Vallée. On doit donc gagner celle-ci dans un petit train kitchissime ! Ceci dit, cela permet de préserver le site, donc ce n'est pas plus mal. A l'entrée, vous choisissez le nombre de tombes que vous voulez visiter, et payez en conséquence ; les appareils photos doivent être laissés en consigne (en principe) ; ne vous en offusquez pas, les flashes endommagent les peintures, qui sont déjà très éprouvées par le nombre de visiteurs. De même, pour tenter d'éviter d'endommager trop gravement les tombes, elles sont ouvertes en alternance ; c'est donc la surprise sur place, quand on arrive, et il faut prévoir à l'avance un certain nombre de tombes qui vous intéressent, pour faire un choix judicieux. Les tombes les plus précieuses sont fermées en permanence. On estime qu'au rythme actuel, les peintures de certaines tombes risquent de disparaître presque totalement sous 10 à 20 ans ; bien sûr, on restaurera : mais les peintures originales seront perdues à jamais, et c'est un peu dommage... On songe déjà à faire des répliques ouvertes à la visite, comme ce fut le cas en France pour le site de Lascaux.
Très tôt le matin, les colosses de Memnon se détachent sur le ciel gris, comme si déjà la tristesse du départ s'annonçait...
Enfin, nous voyons aussi les fameux colosses de Memnon, dont je profite peu car la visite se fait très vite. Mais c'est un sacré frisson, quand même, de se trouver devant ces sculptures mythiques. Aspect un peu délirant, le garde assis devant les deux colosses, sur un banc.
Lorsque l'avion quittera l'aéroport de Louqsor, nous survolerons la nécropole, dernier ravissement pour les yeux avant de regagner la France, des images inoubliables plein la tête...
Pour voir des images et des plans des tombes, je vous rappelle que vous pouvez consulter l'excellent site du Theban Mapping Project, que je vous avais indiqué dans un précédent article .