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31 mars 2008 1 31 /03 /mars /2008 06:50

Clot Bey, qui souhaitait une reconnaissance, voit se multiplier les décorations et les honneurs des plus grandes nations européennes et est admis dans un grand nombre de sociétés savantes. Le pape Pie IX lui confère même le titre de comte romain en 1851, titre que Napoléon III l'autorisera plus tard à porter en France avec des armoiries de sa création. Mais dans le même temps sa carrière en Egypte touche à sa fin.



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Portrait de Clot Bey en costume officiel, avec ses nombreuses décorations qui constituent pour lui une revanche sur les années où il avait été méprisé par la bourgeoisie marseillaise en raison de ses origines modestes.



En 1848, son ami Mohammed Alî est contraint d'abdiquer en faveur de son fils Ibrahîm, lui aussi ami de Clot Bey ; malheureusement, le prince ne règnera que 40 jours et Abbâs Hilmi Ier qui lui succède. Ce dernier renvoie de nombreux Européens et démantèle peu à peu tout ce qui avait été mis en place par Mohammed Alî. Clot Bey est disgrâcié et demande sa retraite. C'est ainsi qu'il est de retour à Marseille, où il s'installera, en avril 1849 : il y apprend la mort de son ami et protecteur Mohammed Alî. Une page se tourne... pour toujours ?


En 1851, il est fait Commandeur de la Légion d'Honneur. Quand Abbâs Hilmi pasha est assassiné en 1854, c'est à nouveau un fils de Mohammed Alî qui lui succède : Mohammed Saïd. Celui-ci, qui a eu pour précepteur un autre Français célèbre, Ferdinands de Lesseps, rappelle en Egypte Clot Bey, lui rendant ses titres et fonctions. Et c'est ainsi que notre médecin provençal est de retour au Caire en novembre 1854 ; il s'attache à restaurer l'oeuvre que Mohammed Alî et lui avaient accomplie.



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Mohammed Saïd Pacha, fils de Mohammed Alî qui a été l'élève de Ferdinand de Lesseps et est francophile comme son père, rappelle Clot Bey en Egypte.


Il rentre en France en 1858, définitivement cette fois. En 1859, il est très affecté par le décès de son épouse. Il s'attache désormais à l'image qu'il souhaite laisser pour la postérité. En 1860, il est reçu à l'Académie de Marseille. Lors de son séjour en Egypte, il a réuni une impressionnante collection d'antiquités égyptiennes, qu'il a ramenée avec lui à Marseille ; si une partie de la collection est offerte au Louvre, l'essentiel en revient à la ville de Marseille, qui transforme pour elle le château Borély en musée dès 1861 : la collection Clot Bey de Marseille, transférée en 1986 dans les salles archéologiques de la Vieille Charité, est la plus riche collection égyptologique de province et certaines pièces ne trouvent d'égal qu'au Louvre ou au British Museum.




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Portrait de Clot Bey âgé, alors qu'il est définitivement rentré en France après avoir accompli en Egypte un travail colossal dont les Egyptiens lui sont toujours reconnaissants.


Clot Bey meurt d'apoplexie le 20 août 1868 dans sa bastide de Ste-Marthe , à l'âge de 75 ans. Il est inhumé au cimetière St-Pierre de Marseille, dans un tombeau orientalisant qui rappelle sa carrière en Egypte. S'il a doté l'Egypte, avec le soutien de Mohammed Alî, du système médical le plus moderne du Mashreq, et si les Egyptiens lui restent reconnaissants de l'oeuvre accomplie, il est hélas trop souvent oublié dans son propre pays. Faites l'expérience en tapant son nom dans un moteur de recherche...



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La table Clot Bey, table d'offrande de Kenhihopshef, qui fait partie de la riche collection égyptologique que Clot Bey a léguée à la ville de Marseille et est aujourd'hui exposée au musée de la Vieille Charité, où Clot Bey avait d'ailleurs travaillé avant son départ pour l'Egypte.



Un mot sur ses écrits :

Clot Bey a laissé durant toute sa carrière de nombreux écrits, avec pas moins de 30 publications entre 1820 et 1866 !

Son Trésor de la Santé (1835), ouvrage de vulgarisation, est largement diffusé de son vivant dans tout le Mashreq.

Mais son principal écrit reste son Aperçu général sur l'Egypte, publié en 2 volumes en 1840, qui le fait reconnaître par les intellectuels de son temps. Il s'attache à rendre hommage à Mohammed Alî, auquel il restera toujours fidèle. Ses descriptions géographiques et ses observations météorologiques sont d'une grande précision. Il s'attache aussi à montrer un autre visage de l'Islam, soulignant par exemple le rôle bénéfique des pratiques religieuses telles que les ablutions ou la prohibition de l'alcool, mais aussi citant le Coran pour montrer la tolérance de l'Islam envers les chrétiens ; cette ouverture d'esprit est inhabituelle chez ses contemporains, et même encore aujourd'hui d'ailleurs. Enfin, il rend aussi hommage à ce peuple qui l'a accueilli et qu'il aime, dans une partie consacrée à l'organisation sociale et familiale. Dans le 2e volume, il évoque le mobilier, les usages sociaux, mais aussi littérature et poésie, musique et danses. Un intérêt pour tous les aspects de la société égyptienne, qui là encore est précurseur et assez inhabituel chez un Occidental de son époque.



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Amulette funéraire portant l'oeil oudjat, l'une des merveilles égyptologiques offertes par Clot Bey en 1852 au musée du Louvre.



Références et liens :

Les deux précédents articles sur le blog : Les débuts et l'organisation de la médecine militaire et La Consécration .

Comme je le disais dans l'article, Clot Bey est de façon très surprenante peu évoqué sur le Net. La Faculté égyptienne de Médecine de Kasr el-Ayn lui consacre cependant un très intéressant article.

Pour les écrits, outre ceux de Clot Bey lui-même, je vous conseillerai la lecture de l'excellent article que lui consacre Rémy Kertenian, " L'Oeuvre de Clot-Bey, médecin marseillais ", dans le catalogue d'exposition consacré par la Bibliothèque municipale de Marseilleà un autre Marseillais lié à l'Egypte (dont nous reparlerons, bien entendu) : Pascal Coste, toutes les Egypte, éd. Parenthèses - Bibliothèque Municipale de Marseille, 1998.

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commentaires

C
<br /> J'aime bien votre blog. Je suis un descendant d'A.B. Clot Bey et je vous signale la parution début avril 2013 de l'histoire de mon aïeul "Clot Bey, médecin de Marseille" chez Jeanne<br /> Laffitte. Continuez à nous faire part de vos coups de coeur bien documentés.<br />
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Papyrus D'identité

  • : Horizons d'Aton - Beyt Kaaper
  • : Une demeure perdue quelque part entre rêve et réalité, dans les sables du désert égyptien ou sur les flots de la Méditerranée. Tournée vers l'horizon, les horizons divers... Les horizons de l'Est et de l'Ouest, comme disaient les anciens Egyptiens... Une demeure un peu folle, pour abriter des rêves un peu fous, des passions, des émotions, des coups de coeur...
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