Philae a été l'un des moments forts de mon voyage, pour plusieurs raisons : d'abord parce que c'est un des lieux qui sont ancrés dans ma mémoire depuis l'enfance, depuis que je m'intéresse à l'Egypte pharaonique, et que je n'aurais jamais cru avoir la chance d'y aller un jour ; ensuite, parce que je suis très attaché à la figure d'Isis, dont le culte est celui qui a résisté le plus longtemps au christianisme - ce temple a été en activité jusqu'au VIe s. de notre ère ! - ; ensuite, pour la beauté des lieux, à la fois sur le plan architectural et au niveau du paysage.
Vue d'ensemble du temple d'Isis.
Nous quittons Aswan en bateau pour gagner Philae, au matin, une courte traversée au cours de laquelle on découvre les splendeurs nubiennes sous un angle nouveau ; là encore, un déluge de couleurs magnifiques et de contrastes qu'il est difficile de décrire et que les photographies ne rendent que très mal. Arrivés au débarcadère de l'île, je me sens pris d'une intense émotion : je vais découvrir de mes yeux le temple de Philae ! La cour qui précède le pylône du temple est splendide ; aussitôt, mon regard est attiré par les chapiteaux des portiques : ils sont d'une extraordinaire richesse et d'une variété qui montre le génie de l'art égyptien, même tardif ; il y a une unité visuelle de l'ensemble et une diversité dans les détails, ce qui représente le raffinement suprême.
Les extraordinaires chapiteaux de la colonnade...
Le temple, qui a comme vous le savez été déplacé, a été aussi superbement restauré. La visite est fascinante, chaque détail un véritable plaisir. Bien entendu, une visite en groupe est toujours un peu frustrante, car on n'a jamais assez de temps. Cependant, nous avons eu de la chance : Amr, notre guide, s'est quand même débrouillé pour nous laisser le maximum de temps possible pour flâner seuls ; j'en profite pour discuter un peu avec lui, puis je me hâte de m'éloigner du groupe - vous allez dire que c'est une manie. La foule est dense dans le temple ; j'en privilégie donc les extérieurs et les abords. Je veux pouvoir m'imprégner du lieu, graver cette rencontre dans ma mémoire, et, qui sait, sentir la présence bienfaitrice d'Isis... Au passage, je rencontre un petit Bès sculpté que j'immortalise aussitôt. Puis je me dirige vers le fameux kiosque de Trajan, d'une grande beauté ; ici comme sur d'autres sites d'Egypte, Rome, d'habitude si fière d'imposer ses modèles, se plie aux traditions égyptiennes, comme la Grèce hellénistique avant elle... La romanité y est discrète, et le génie égyptien sauf : là encore, les chapiteaux sont remarquables et je passe beaucoup de temps à les détailler.
Le kiosque de Trajan
Détail d'un des chapiteaux du kiosque.
Plus anecdotique, je retrouve ma mère près d'un énorme plant de basilic, plus gros que tous ceux que j'avais jamais vus. Comme un clin d'oeil du pays natal, et une passerelle invisible. Et puis il est temps de rejoindre le bateau ; comme à mon habitude j'ai traîné et le " troupeau " râle car il ne veut surtout pas manquer la fabrique de parfum... Retour brutal aux réalités occidentales et contemporaines. Tandis que le bateau s'éloigne, je garde le plus longtemps possible les yeux sur Philae. Je viens de vivre un grand moment, je suis heureux ; encore un rêve qui vient de se réaliser...
Le paysage autour du temple.
Le seul reproche que je ferais sur ce site, ce sont les sièges maçonnés installés pour que les touristes puissent assister au son et lumières ; certes, on s'est efforcé de les faire discrets, un peu à l'écart du temple, mais c'est quand même dommage. Bon, je sais, je ne suis guère objectif car je ne suis pas très "Son et lumières", je n'en ai vu aucun en Egypte...